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Rann nou Tromelin

15 janvier 2017, 09:37

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Les Soleils des indépendances. Voilà un chef-d’œuvre de la littérature mondial qui vaut vraiment la peine d’être lu ou relu, surtout par nous, Mauriciens, peuple souvent affecté par un nombrilisme aigu doublé d’un fort sentiment de dédain pour tout ce qui touche à l’Afrique. Et par extension, d’un asservissement quasi maladif envers certains pays d’Europe, qui ont joué un triste rôle dans l’histoire des peuples africains. Ce roman-coup-de-poing de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma, écrit en 1968, année qui nous est chère, raconte les transformations socio-économiques, géographiques aussi bien que politiques des pays de l’Afrique subsaharienne, issus du processus de la décolonisation enclenché dès la fin des années 1950 dans nombre de pays de ce continent longtemps exploité. Vous vous demandez, amis lecteurs, avec raison, le pourquoi de ce long préambule.

C’est tout simplement la réflexion qui m’est venue en réaction au récent retour de l’île Tromelin dans l’actualité locale tant que française. Ce minuscule banc de sable, qui fait à peine 1 km2 , situé à 430 km au Nord-Est de Maurice, est un territoire français, doublement revendiqué par la France et par notre république. L’île Maurice indépendante réclame Tromelin depuis 1976, mais ce n’est que depuis les années 1990 que la France a accepté d’écouter nos doléances. Et en juin 2010, un accord avait même été signé entre les deux gouvernements, pour une cogestion de l’île. Sauf que cet accord n’a jamais été ratifié par l’Assemblée nationale française. Et ne peut donc pas être appliqué, même si le Sénat a déjà donné son assentiment. Dans trois jours, les parlementaires de l’Hexagone devront enfin faire connaître leurs positions sur la ratification, ou pas, de ce traité de cogestion.

Sauf que le timing de la présentation de ce dossier au Parlement français est des plus inopportuns. Les élections présidentielles sont dans quelques mois, le président Hollande est au bout du rouleau en terme de popularité, la gauche française est en phase de déliquescence avancée, la droite ne va guère mieux et l’extrême-droite surfe allégrement sur une vague de populisme et de nationalisme qui, après avoir ravagé nombre de pays d’Europe, de même que les États-Unis, vient maintenant lécher les côtes françaises. Et c’est justement la présidente du Front national, Marine Le Pen, qui a enclenché les hostilités en vue de torpiller le processus de cogestion de Tromelin. Elle dit que l’État français «ne doit pas brader Tromelin et son espace maritime». Chercher l’erreur. Elle rameute ainsi une opinion publique française déjà mise à mal par la crise des migrants et par la morosité ambiante qui règne un peu partout sur le continent européen. Résultat : nos experts locaux en géopolitique sont presque tous unanimes à prédire que la cogestion de Tromelin ne passera pas l’étape de l’assentiment du Parlement français.

À l’heure où se tient, à Bamako, au Mali, le Sommet AfriqueFrance, il est plus que vital de se demander qu’est-ce qui peut bien pousser cette ancienne puissance coloniale qu’est la France à toujours chercher à s’immiscer dans les affaires africano-africaines. Cela, plus de cinquante ans après les indépendances. Comment concilier une France donneuse de leçon, en matière de principes démocratiques par exemple, avec une France qui fait fi de la souveraineté territoriale d’un pays ami, comme Maurice ? La réponse se trouve sûrement dans les 280 000 km2 de zone maritime de Tromelin, dont parle Marine Le Pen. Si on sait que la France continentale n’a que 345 000 km2 de domaine maritime, on est à mieux de saisir l’importance de Tromelin et de sa zone économique exclusive pour notre ancienne puissance coloniale.

La mauvaise foi des opposants de la cogestion les empêche de dire qu’il n’est nulle part fait mention que la France renoncerai à sa revendication sur Tromelin ou que l’État français va céder Tromelin en intégralité à Maurice. D’où d’ailleurs le terme cogestion. Non, il est «primordial» pour ces personnes de réclamer comme la leur une terre située à des milliers de kilomètres de l’Hexagone. Ils imitent en cela leurs voisins anglais, qui, eux, ont étendu leur emprise sur nos Chagos et notre Diégo. Le combat pour notre intégrité territoriale doit se poursuivre. Diego et Tromelin, même combat. C’est une question de principe. Sinon, le soleil de notre indépendance à nous ne brillera toujours pas de tous ses feux.