C’est drôle à dire mais, par certains côtés, cette histoire d’autoroute fissurée est un vrai motif de foi en l’avenir. Il serait en effet injuste de ne pas souligner le génie visionnaire des constructeurs de l’ouvrage. La montée du niveau des océans, le concept de route-flottante, ça vous parle ? À la Road Development Authority, je vous assure qu’ils sont au point. Ils ont même un siècle d’avance sur les prévisions du GIEC ! M. Bachoo, lors de l’inauguration, a juste oublié de préciser qu’un tronçon serait plus adapté à la plongée sous-marine qu’à la circulation routière, on ne va pas faire une maladie pour un détail !

Tout cela pour vous dire que j’ai renoncé à vendre les coast guard de la RDA sur eBay. À la place, j’ai essayé de refourguer mon Charlie. Vous savez, le numéro 1178, celui des «survivants». Pour le coup, je me suis dit que j’allais pouvoir m’offrir un campement pieds dans l’eau à Verdun, éventuellement une Rolex, au pire un parapluie, au pire du pire un Gooljaury. Rien du tout, personne n’en a voulu. Avec 7 millions d’exemplaires imprimés, tu m’étonnes ! Tu penses lire un collector, tu te retrouves avec un produit dérivé de l’indignation mondiale. Le plus fort, c’est la courbe des abonnés. De 7 000 à 120 000 en une semaine ! Comme quoi, on bosse toujours mieux quand on a le couteau sous la gorge.

J’y pensais l’autre jour en écoutant M. Ramgoolam. Cet homme est épatant, vraiment. On fait pleuvoir sur lui les accusations les plus graves. Que fait-il, croyez-vous ? Il se fissure, il tente de colmater les brèches ? Penses-tu ! Face caméra, il défie les enquêteurs d’un « mo pare pou zot 100 % ». Encore un peu et il t’annonce l’interrogatoire under warning du commissaire de police ! Vous me direz que chez cet homme l’oral est hardi. Justement, parlons franc : qu’a-t-on à craindre quand on a déjà tout perdu ? Le CEO du travaillisme à la cool n’est plus très en vogue aujourd’hui ? Parfait. L’anguille sous Roches-Noires lui donne l’occasion d’être le martyr des vices sataniques du nouveau pouvoir.

Vous verrez que le prédécesseur d’Arvin Boolell va se refaire la cerise. Ce jeu de yoyo dans l’amour et le désamour de la pensée dominante à l’égard des anciens Premiers ministres est un classique de l’histoire mauricienne. Demandez à Paul et Anerood, ils sont au courant. Tenez, puisqu’on en parle, je suis plus inquiet pour M. Gooljaury. Ah ! je sais, on me dira qu’un type qui a fait fortune dans le textile a des aptitudes naturelles à rhabiller ses amis pour l’hiver. Certes. Mais de là à retourner si violemment sa veste ! Il s’est peut-être aperçu au lendemain des élections qu’elle était doublée de vison, je ne sais pas...

Il faut bien voir que plus personne ne va se risquer à confier un secret à ce monsieur. Même sa femme va hésiter à lui remettre la liste des commissions ! Et puis, cet aveu de «pran sarz» ne me dit rien qui vaille. C’est un coup à se retrouver conducteur de montecharge pour camion d’aéroport ! Cela dit, il y a pire. Imaginez le carnage si la liste des invités de Roches-Noires venait à s’ébruiter dans la presse. «Chéri, tu te souviens du soir où t’es parti en quatrième vitesse à l’hôpital à cause du diabète de ta grand-mère ? – Nani dir mwa li pran sarz…». Un truc à vous fissurer à jamais une famille.