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Nous ne sommes pas si seuls!

9 octobre 2014, 16:54

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«Le progrès naît de la diversité des cultures et de l'affirmation des personnalités.» (Pierre Joliot).

 

Durant ces deux dernières semaines, on peut dire que j’ai été amené à comprendre cet extrait de La Recherche Passionnément,et ce à travers ce que les «gens d’ailleurs» aiment appeler l’hospitalité mauricienne.

 

J’ai eu le plaisir d’accueillir chez moi deux camarades de passage pour quelque jours, qui comme moi ont fait des études de droit en Angleterre, mais qui malheureusement ne se sont croisés que pendant deux heures. Ce qui les unit, cependant, c’est la passion qu’ils entretiennent pour leur pays d’origine, notamment la Turquie et la Bulgarie. Ils sont prêts à convaincre le monde que leur patrie est un des meilleurs (sinon le meilleur) endroits sur terre. Je dirais que j’ai tendance à jouer dans la même cour. Ceci entraînant cela, vrais patriotes que nous sommes, la conversation a vite basculé sur la politique.  Il est bon de noter que chacun d’entre nous, malgré nos idéologies ou nos appartenances respectives, avons su garder un esprit ouvert, et ce n’était qu’une conversation entre des jeunes, liés par l’amitié, qui expriment leur ressenti. Une de ces conversations où le politiquement correct est le moindre des soucis et où on se laisse transporter par l’émotion et la passion.

 

Durant cet exercice (qui dans les deux cas est apparu uniquement par le plus grand des hasards), nous avons exposé nos points de vue sur le social, les scandales, les développements majeurs (ou parfois le manque de développement majeur) dans nos pays respectifs. Nous avons parlé de la culture politique et l’aspect historique qui aurait amené au système contemporain. Ce qui était frappant toutefois fut la similarité dans nos discours. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où, a presque toutes les ponctuations, on entendait un «it’s the same back home». Le fossé qui se creuse entre électeurs et élus, la perception des libertés, la théorie du noubanisme, un ras-le-bol chez certains, un dédain chez les jeunes ; autant de parallèles que nous avons pu tirer de nos conversations. Peu importe nos convictions politiques, qui peuvent parfois être radicalement différentes, nous étions sur un terrain d’entente.

 

La question que je me suis posée suite à cela est simple. Comment ? Comment deux pays qui sont à la fois géographiquement et culturellement éloignés de notre île, peuvent-ils éprouver les mêmes sentiments face aux affaires publiques ? Ce n’est pas le cas pourtant pour les grandes puissances. Les français, les allemands ou les américains ont chacun leurs maux politiques, qui ne sont pas pour la plupart les mêmes. Ce qui ressort d’une petite analyse, c’est que la Turquie, la Bulgarie, et même l’Ile Maurice sont, selon certains experts en politique, des «jeunes démocraties». Vous me direz que nous avons quand même 46 ans d’Indépendance derrière nous, chose non négligeable comparée aux constitutions Turque et Bulgare, qui datent de 1982 et 1991 respectivement. Ces deux pays ont une histoire radicalement différente, certes, et nous sommes tous arrivés à établir un système démocratique d’une façon ou d’une autre. Ce qui est vrai aussi, c’est que ce système démocratique, étant bel et bien ancré, subit encore une constante évolution.

 

Aujourd’hui on entend des discours sur l’approfondissement de la démocratie dans notre paysage local, et certaines personnes se demandent si nou tizil en a vraiment besoin. J’aime croire que oui,  nous en avons grandement besoin. La chose qui reste à savoir, c’est : qui seront les acteurs de cet approfondissement ? Il se fera certes par les hommes politiques et leur programme, mais pas uniquement. Ce qui fait de l’homme politique ce qu’il est, ce qui forge son programme, c’est le peuple. Pour que ce dernier soit partie prenante dans ce processus, il faut qu’il prenne conscience de ces pouvoirs, de ces libertés et de son rôle dans la démocratie.  On se souvient tous de l’épisode où Twitter avait été banni en Turquie, et où finalement les autorités ont été forcées de revenir sur leur décision. On sait aussi que la liberté de la presse n’est pas prépondérante dans ce même pays. Cela nous montre qu’ils ont du chemin à faire sur ce point. Si notre pays est plus avancé sur la même thématique, nous devons encore évoluer. Je crois fermement qu’une évolution constante, une remise en question, est essentielle à la survie de la démocratie. Nous sommes une jeune démocratie qui doit faire ses preuves. Si d’un point de vue international, tout va pour le mieux dans le plus beau des mondes, il ne faut pas se reposer sur nos lauriers.

 

Certains pensent souvent que la situation dans laquelle nous nous retrouvons en ce moment est typique à l’île Maurice, et on voit s’éteindre de plus en plus cette lueur d’espoir qui brillait autrefois. Les conversations mentionnées plus haut m’ont ouvert les yeux. Nous ne sommes pas seuls. Il y a d’autres personnes qui éprouvent le même sentiment face à leur propre situation à des milliers de kilomètres de nous… Un peu d’unité dans cette diversité. C’est toujours une bonne chose de se sentir moins seul dans la galère (même si ce  mot est un peu disproportionné ici), mais notre rôle ne s’arrête pas ici.

 

Nous savons tous que la politique n’est bien trop souvent qu’un jeu de pouvoir. Mais le peuple a son mot à dire. Il est de notre devoir de montrer à nos dirigeants que nous avons une conscience, un niveau d’intelligence, et de faire en sorte que cet approfondissement de la démocratie ne soit pas détourné en quelque chose de complètement opposé.

 

Nous ne sommes pas seuls certes, mais ce que nous en faisons peut être diffèrent. A l’approche des élections dans notre pays, et avec tous les changements auxquels nous devrons faire face, c’est l’occasion parfaite pour qu’il y ait une présence du peuple. Un peuple conscient de ce qui se passe, un peuple qui ne s’achète pas à coups de briani, macaroni, bières ou cigarettes, et surtout un peuple qui est animé d’une volonté de créer une île Maurice meilleure. Machiavel disait : «Là où la volonté est grande, les difficultés diminuent

 

Ces affirmations sont certes teintées d’idéalisme, même d’utopie. Je vous le confirme, cette réflexion est d’une facilité inimaginable sur le papier. Cependant, ce partage de mes réflexions et de mon vécu n’ont pour seul but : l’éveil de la conscience dans ma patrie. Traitez-moi de rêveur, mais je m’obstine à rejoindre l’idée de Machiavel quand il parle de volonté.