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Lever do mo pep !

22 août 2014, 15:02

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Souvent employé suite à un sentiment d’indignation et appelant la population à réagir, cette expression a été le fer de lance de ceux voulant soulever une révolution à la sauce mauricienne. Cependant laissons de côté les idées à la Che Guevara et considérons la société mauricienne le temps d’un papier.  

 

Entre l’effervescence qui entoure l’annonce du mariage des grands, l’idée d’une deuxième république, les discours prônant un approfondissement de la démocratie et les élections qui attendent gentiment sur le palier, une sensation qui est palpable dans nos rues est le désintéressement pour ne pas dire le dégoût de la population pour les affaires publiques et la politique en général.  

 

Ce phénomène est très présent non seulement chez les jeunes de ma génération (surnommé la génération Y), mais aussi dans une tranche de la population plus mûre.  Ces derniers se disent éreintés par des discours qui, je cite, ne sont que «paroles, paroles, paroles».  Il règne comme un sentiment d’impuissance face aux gérants de nos institutions, un fossé qui ne cesse de se creuser entre les élus de la République et leurs électeurs. 

 

«Comment en sommes-nous arrivés là ?» me demanderez-vous.  La difficulté à se faire entendre, les promesses non tenues, l’absence d’une véritable idéologie chez les grands partis politiques, le culte de la personnalité de certains dirigeants, les scandales ou les portraits que peut peindre la presse ne sont qu’une poignée de raisons exprimées en justificatif à ce dédain pour la politique.  Il y a un ras le bol qui aboutit à un «les zot mem geter ki zot le fer ! Zot tou parey!»  On ne s’indigne plus, on abandonne et on se laisse bercer par le courant, faute de mieux. 

 

Il faut dire que c’est le droit légitime de tout un chacun vivant dans notre société d’adopter cette attitude.  Chacun a ce que j’appellerai son «droit au dégoût».  Cependant, le fait est que cette approche passive n’est pas ce qu’il y a de meilleur pour la santé de notre chère démocratie.  

 

Revenons aux sources linguistiques un moment.  Le mot démocratie découle du terme grec demokratia, une combinaison de demos (peuple) et kratos (pouvoir, souveraineté).  Elle implique donc un système où la souveraineté est exercée par le peuple.  Un principe noble certes mais qui, une fois appliqué, connaît d’énormes modulations.  

 

Cependant, peu importe l’application, ce qui subsiste c’est le pouvoir qui appartient au peuple.  Avoir une attitude passive envers les affaires publiques, c’est laisser entre les mains du politicien, un trésor qui nous appartient.  C’est lui donner le droit de propriété sur quelque chose qu’il ne possède pas mais qu’il a tout simplement le droit d’utiliser. Un droit qu’il a obtenu par nul autre que le peuple.

 

Tous les hommes politiques ont déçu une partie de leurs électeurs à un moment ou à un autre.  Beaucoup se sont enrobés de discours nobles pour atteindre leur but personnel, mais comme dirait le sage, «il n’y a rien de nouveau sous le soleil».  La machination politique a existé depuis la nuit des temps et ce n’est pas demain la veille qu’elle s’éteindra.  Sachant cela, il est impératif que la population ne se laisse pas prendre au jeu.  Dans ce jeu de pouvoir, le maître du jeu ce n’est ni le chef d’Etat, ni le chef de l’opposition, ni les révolutionnaires mais le PEUPLE. Si ce dernier fait entendre sa voix, avec ferveur et passion, les joueurs seront bien obligés de jouer d’après ses règles.  

 

Jean Jaurès disait «Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience».  Si nous voulons voir un changement, dépasser ce sentiment de ras le bol, il nous faut retrouver cette conscience.  S’ensuivra une révolution intellectuelle comme celle qui a marqué notre pays les années 60 ou les années 80.  Suite à cela, nos chers leaders seront bien obligés de revoir leur modus operandi. 

 

Il faut noter que le phénomène décrit ici est difficilement quantifiable.  Ces affirmations ne sont basées que sur des témoignages recueillis ici et là.  Les élections verront sans doute un taux de participation digne de louanges, car il faut se faire à l’idée que cela fait partie de notre folklore.  

 

Sur papier, en termes de chiffres, ce problème n’existe même pas.  Mais il suffit d’une conversation sincère pour en mesurer l’ampleur.  Notre pays a besoin d’un réveil. Un réveil de la conscience du peuple pour empêcher la transformation de notre démocratie, dans toute sa noblesse, en une simple utopie.  

 

Je rejoins la pensée d’Antoine de Saint-Exupéry dans son œuvre Terre des hommes quand il dit : 

 

«Je me moque bien de connaître s’ils étaient sincères ou non, logiques ou non, les grands mots des politiciens qui t’ont peut-être ensemencé.  S’ils ont pris sur toi, comme peuvent germer les semences, c’est qu’ils répondaient à tes besoins. Tu es le seul juge. Ce sont les terres qui savent reconnaître le blé.»

 

«Lever do mo pep» peut sembler un peu disproportionné face à ce que je décris, certes. Loin de moi l’intention de passer pour un révolutionnaire des îles.  Cependant, j’appelle à un réveil de conscience, à la reconnaissance que nous sommes les seuls juges et que nous sommes encore (grâce au ciel) détenteurs du pouvoir.  Sachons que la démocratie n’est pas un principe acquis. Pour survivre, elle a besoin d’être entretenue et nourrie avec amour et passion. 

 

Ce n’est pas l’homme politique qui me contredira sur ce point.