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Uttum SANMUKHIYA le directeur de « V5 Immobilier » : «Il y a eu une spéculation immobilière déraisonnable»

23 août 2012, 09:11

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V5 Immobilier fête ses 25 ans. Quelle est l’évolution majeure du secteur en un quart de siècle ?

Il y a eu un véritable boom dans l’immobilier. Cela se voit d’autant plus aujourd’hui avec le surplus de biens fonciers et immobiliers actuellement sur le marché. En 25 ans, l’engouement pour l’accession à la propriété n’a pas été démenti.

Avec la mise sur le marché de terrains et surtout avec une demande forte il y a quelques années, les prix ont pris l’ascenseur.

En plus, les acheteurs ont des attentes et des goûts plus affi rmés, et demandent à comprendre le marché. D’où l’accroissement remarquable du nombre d’agents immobiliers, pas toujours très professionnels.

Vous évoquez les prix. Il y a eu une inflation exagérée ces dernières années, non ?

Il y a eu, dans un premier temps, une inflation tout à fait légitime et en phase avec la réalité du marché. Les Mauriciens ont gagné en pouvoir d’achat, des terres ont été libérées, notamment sur la côte et autour des villes, où se sont constitués des genres de banlieue pour la classe moyenne. Les tarifs ont forcément augmenté mais cela n’a rien à voir avec l’inflation, c’est- à- dire le rythme des augmentations, de ces dernières années. L’inflation artificielle et exagérée a été entretenue par une spéculation foncière et immobilière déraisonnable.

Heureusement, il y a un tassement des prix…

Depuis deux ans, en effet, les prix se tassent. On a atteint le plafond. Les moyens des Mauriciens ne sont pas extensibles. Se loger est un droit fondamental. Aussi, c’est aux professionnels du secteur d’assurer un service de qualité, qui tient compte des réalités du marché. Le problème, c’est que la multiplication des opérateurs, certains s’étant improvisés agents immobiliers, a porté préjudice au secteur. Ils ont conforté les vendeurs dans des estimations exagérées de leurs biens. Du coup, ils ne se vendent pas et entretiennent une infl ation artifi cielle. On se retrouve aujourd’hui avec une offre supérieure à la demande, notamment dans l’ancien.

Comment est-on arrivé à une telle spéculation foncière et immobilière ?

Une chose l’explique : beaucoup de propriétaires ont mal compris les concepts IRS et RES et surtout ont cru pouvoir profiter de façon immodérée de l’ouverture du pays aux étrangers. Le marché a été faussé tant à l’achat qu’à la location.

Le gouvernement a justement mis le holà en interdisant l’achat de propriétés hors IRS et RES aux étrangers.

La loi restreignant l’accès à la propriété des étrangers aux seuls IRS et RES est bienvenue.

Mais avant cela, les autorités ont pêché par manque d’informations.

Ce qui fait que des petits propriétaires terriens ont mis leurs terres sur le marché pensant rafler la mise avec un promoteur RES. Or, ce n’est pas ce qui est arrivé et surtout, cela a contribué à fausser le marché.

Les vendeurs voulaient tirer le meilleur prix, n’est- ce pas légitime ?

Dès qu’un promoteur ou un agent immobilier approche un propriétaire pour un développement, les propriétaires alentours se frottent les mains.

Le prix des terrains monte en flèche. Ce n’est pas toujours justifié. Car, en fait, disons qu’un promoteur construise un immeuble en plein coeur d’un quartier résidentiel, il se peut qu’au contraire les propriétés voisines se déprécient. Rien de plus normal à vouloir tirer le meilleur prix de son bien immobilier ou foncier, mais il faut être en phase avec le marché.

C’est la loi de l’offre et de la demande qui dicte le marché immobilier. En ce moment, il y a un excès d’offre. Des propriétaires qui persistent à garder un prix exorbitant ne trouvent pas preneur.

Revenons aux IRS et RES. Ce segment de l’immobilier est- il, au final, le bon filon ou une niche à risque ?

Comme pour le textile et le tourisme, on a trop tiré sur la corde. Le segment s’essouffle au risque de se retrouver avec des projets fantômes, sousoccupés.

Et pendant ce temps, le prix des terrains autours a considérablement augmenté, dopé par ces projets, mais sans tenir compte de la réalité du marché. La catastrophe serait d’arriver à une récession naturelle dans ce segment. En outre, qu’en est- il de l’accompagnement social ? De l’employabilité des populations voisines ? Le volet social est important et à chaque fois, les promoteurs abondent un fond dans ce sens. Mais sur le long terme, qu’adviendra-t-il de ces développements immobiliers et des populations alentours à qui on a promis des débouchés, une mobilité sociale ?

Restons sur le volet social. Quel regard portez- vous sur le logement social ?

Le logement social manque de professionnalisme. La politique en la matière ne peut se borner à la construction de logement à bas coût. Il y a tout un accompagnement social, toute une réflexion autour de la connexion de ces zones d’habitat social et les pôles d’emplois etc.

En plus, les syndics ont parfois du mal à fonctionner, la valeur des appartements se déprécie etc. Le logement social a conduit à une ghettoïsation de certaines zones et de leurs habitants.

Donc, c’est aussi un problème d’aménagement.

Il faut en effet revoir le zonage. Il y a défaut dans l’aménagement des villes. Malgré les outline schemes, on voit des blocs d’appartements pousser au milieu de quartiers pavillonnaires.

C’est vrai qu’il faut densifi er les villes, mais pas n’importe comment Surtout, il faut penser aux voies d’accès, à l’accessibilité des services essentiels.

En résumé, le marché de l’immobilier est de plus en plus complexe, changeant, et il est difficile pour l’acheteur ou le vendeur lambda de s’y retrouver.

L’augmentation du nombre d’agences et d’agents immobiliers n’est pas gage de professionnalisation du secteur. Il n’y a pas de formation locale. Les estimations ne sont pas assez fines et réalistes. Or, il faut que nous informions notre clientèle sur tout ce qui a trait à l’achat ou à la vente, à commencer par le prix, sa justification mais aussi les taxes. Je prends un exemple.

Vous vendez un bien. Après avoir signé chez le notaire, le Valuation office a six mois pour faire son évaluation. Si la notifi cation du Valuation office fait état d’une sous- évaluation, d’autant que tous les professionnels n’ont pas les compétences pour faire des estimations fiables et qu’en six mois le prix peut fluctuer, vous avez 28 jours pour contester l’évaluation. Mais pour cela, il faut payer 30 % de la somme réclamée par le Valuation office . Si vous n’avez pas les moyens de les payer, vous ne pourrez pas contester et devrez payer la totalité ou opter pour les facilités de paiement du Valuation office . En clair, c’est une taxe déguisée.

Les associations de consommateurs devraient s’intéresser au nombre de dossiers évalués par le Valuation office qui ont donné lieu à un paiement.
 
 
 
 
  Propos recueillis par Gilles RIBOUËT