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Mayotte : les jeunes s’enivrent sans se cacher

18 novembre 2004, 00:00

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L’alcool n’est plus un tabou à Mayotte comme le démontre un sondage réalisé sur 4 000 jeunes de 12 à 16 ans. 22 % des garçons et 4 % des filles avouent consommer régulièrement de l’alcool et ne s’en cachent même pas écrit notre confrère Franck Cellier du Quotidien de la Réunion.

Mais il s’agit souvent d’une consommation sans modération. Par manque de références, les gens boivent principalement pour se saouler. Le conseil général de Mayotte va financer une campagne de sensibilisation. La population mahoraise étant à 98 % musulmane, l’alcool devrait être, de fait, absent de la vie sociale. Il aurait dû rester tabou. Mais comment se voiler la face plus longtemps ? La Dass, le comité territorial d’éducation à la santé (Cotes), le vice-rectorat et l’Insee ont confié au centre d’information jeunesse (Cij) la mission de réaliser une enquête sur l’alcool et les jeunes. 4 000 garçons et filles âgés de 12 à 26 ans ont répondu au questionnaire.

Mohamed Nassor, directeur du Cij, qualifie les résultats d’“alarmants” dans les colonnes de Mayotte Hebdo. 12 % des personnes interrogées ont déclaré boire régulièrement de l’alcool : principalement de la bière mais aussi du vin de palme, de l’alcool de jus de coco, du whisky, etc. Les garçons sont beaucoup plus concernés (22 %) que les filles (4 %). La consommation commence très tôt puisque 5 % des 12-14 ans déclarent boire et 18 % des 20-26 ans.

Saïd Hamidouni Abdourahamane, le documentaliste qui a chapeauté le sondage, note que ce qui l’a le plus étonné était la facilité avec laquelle les jeunes révélaient leur penchant pour la boisson. “Désormais le tabou de l’alcool est levé. L’alcool s’est banalisé. Les jeunes parlent facilement alors qu’ils disent moins directement qu’ils fument du cannabis”.

C’est principalement à l’occasion des fêtes que l’alcool coule à flot. Le message de la modération passe mal à Mayotte. 33% des sondés qui disent boire de l’alcool ont avoué une consommation élevée de sept cannettes. Les responsables du Cij essaient de comprendre le pourquoi de cette alcoolisation soudaine. Ils citent “l’attirance de l’interdit” ou l’effet de groupe : “On s’amuse à fond quand on boit et celui qui ne boit pas ne s’amuse pas”. Mais c’est “l’occidentalisation des jeunes” qui semblent être la principale cause. La religion et l’autorité parentale n’ont plus d’impact. 48 % des buveurs interrogés par le Cij affirment que l’alcool leur a été offert par un majeur. La loi Evin n’est de toute façon pas vraiment appliquée à Mayotte, déplore Azida Kartobi, responsable du Cotes et les mineurs sont souvent chargés d’aller acheter l’alcool dans les boutiques : “On manque de moyens pour agir contre l’alcoolisme. On fait beaucoup de campagne contre le sida parce qu’on a des crédits spéciaux de l’Etat mais pour l’alcool, ce serait bien que la collectivité départementale, qui gagne beaucoup d’argent grâce aux taxes sur les importations de boissons mette un peu cet argent dans la prévention”.

L’enquête du Cij souligne cruellement l’inefficacité de la prohibition religieuse. Tout le monde semble fermer les yeux. Seuls le maire de Chirongui et les notables d’Iloni, imposent encore une interdiction stricte sur la vente d’alcool. Un interdit que les jeunes de ces villages contournent facilement. Le temps de dire “il ne faut pas boire” est révolu.

<B>Franck Cellier

Le Quotidien de la Réunion</B>