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Le Kolektif Rivier Nwar prend son envol

21 février 2014, 00:00

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Le Kolektif Rivier Nwar prend son envol

Grâce au travail en réseau, des infrastructures et une nouvelle dynamique de développement communautaire se mettent en place dans les cités de Rivière-Noire et de Petite-Rivière-Noire.

 

Depuis un an, les membres de la société civile de Rivière-Noire et Petite-Rivière-Noire se rencontrent pour mieux cerner les besoins des personnes en situation de pauvreté et identifier des projets à mener en commun. Cette initiative baptisée Kolektif Rivier Nwar a reçu le soutien de l’ENL Foundation, de La Balise Marina (projet Integrated Resort Scheme - IRS) et de l’United Nations Development Programme (UNDP).

 

Bruno Jeanpierre, coordinateur de terrain pour le collectif.

 

Coordinateur de terrain pour le Kolektif Rivier Nwar, Bruno Jeanpierre a grandi à la cité EDC. Quand il rencontre les enfants qui font l’école buissonnière ou les jeunes sans emploi qui passent leurs journées assis dans la rue, il s’inquiète pour l’avenir du quartier. «Avec le développement à deux vitesses de la région, dit-il, vous imaginez la frustration des gens? Ils vivent dans des maisons en tôle et en amiante, mais quand ils lèvent la tête, ils voient les villas de luxe sur la montagne.»

 

Après le passage du cyclone Carol en 1960, 60 familles avaient reçu sept perches de terrain et une maisonnette de deux pièces, à la cité EDC. Au fil des années, les générations suivantes n’ont pas eu les moyens d’aller ailleurs. Des feuilles de tôle sont donc venues constituer des ajouts aux habitations principales. Aujourd’hui, la cité EDC compte 600 habitants et le besoin le plus criant s’était justement fait le plus discret lors des concertations, comme l’explique Geneviève Tyack, présidente du Kolektif Rivier Nwar et responsable de Caritas Logement Rivière-Noire : «C’était difficile à imaginer mais bon nombre de familles n’avaient toujours pas de toilettes ni de douche et elles ne s’ouvraient pas à ce problème délicat avec les associations.Notre priorité a été de travailler sur la question, dans le souci derendre à chacun sa dignité.»

 

Comme le Kolektif Rivier Nwar n’est pas encore enregistréofficiellement, Le Pont du Tamarinier, organisation nongouvernementale (ONG) trèsexpérimentée en matière delogement social, a porté le projetde construction de sanitaires.Grâce à l’aide financière de laFinancial Services Commission (FSC), d’Holcim, de Batimex et d’Immobilier Conseils, 12 unités constituées d’une toilette etd’une douche sont déjà sortiesde terre. Et 26 supplémentaires sont prévues, sous réserve queles fonds soient réunis (environRs 120 000).

 

«Au total, avec ces 38 espaces sanitaires, nous améliorerons les conditions de vie de 130 foyers, puisque les familles élargies cohabitant dans la même cour se partageront les unités sanitaires, comme elles le font aujourd’hui avec les latrines», précise Geneviève Tyack.

 

Cent-trente foyers

 

Autre projet infrastructurel en vue pour le Kolektif RivierNwar : la transformation du boulodrome de la cité EDC, laissé à l’abandon, en terrain multisports. Bruno Jeanpierre imagine déjà le potentiel du lieu : «J’espère qu’un jour ce sera le centre de la vie de quartier avec, pourquoi pas, un jour, un bâtiment comprenant une salle de jeuet d’informatique ?»

 

La nouvelle plateforme ne touche pas que la cité EDC, puisque toutes les poches de pauvreté de Rivière-Noire et Petite-Rivière-Noire sont concernées par cette dynamique. Au-delà des infrastructures, c’est surtout le développement communautaire qui sera stimulé. Pour que les habitants s’impliquent davantage dans la vie de leurs quartiers, l’association LEAD a offert une formation en leadership à une vingtaine d’adultes. Et de là, deux nouveaux mouvements de forces vives sont nés, Étincelles et Pépites d’or.

Geneviève Tyack, présidente du Kolektif Rivier Nwar.

 

À Petite-Rivière-Noire, grâce au Kolektif Rivier Nwar, une dizaine de familles de l’association Zenfan amba pie ont été initiées à la culture potagère en bac. Cette année, leur ambition : monter une fédération de sports pour 40 enfants. À différents niveaux, Geneviève Tyack croit à la force du travail en réseau : «Les associations bien établies comme Le Pont du Tamarinier, Caritas,Rêve et Espoir, Étoile d’Espérance pourront soutenir les associations naissantes… La plateforme Kolektif Rivier Nwar donnera de la visibilité aux projetssociaux dans la région et pourra être garante auprès des bailleurs de fonds pour attirer plus facilement les financements. Nous aurons également une force de plaidoyer,notamment pour les projets de relogement social, mais pas seulement.Par exemple, nous allonsfaire une demande, en vue d’obtenir une permanence du bureau de la sécurité sociale au moins unefois par mois à Rivière-Noire carpour l’instant, les familles doivent se déplacer jusqu’à Bambous. Cen’est pas pratique, étant donné qu’il faut demander une journée de congé et les déplacements en bus coûtent cher.»


Les enfants, acteurs du changement

 

Les jeunes sont au cœur des attentions de la nouvelle plateforme Kolektif Rivier Nwar avec un programme d’accompagnement scolaire, des séances de prévention et une future école de percussions. «Nous mettons enterre des semences et nous espérons que le résultat sera là dans10 à 15 ans», confie Geneviève Tyack, présidente du Kolektif Rivier Nwar.

Isabelle Philippe, de l’association LEAD, utilise une pédagogie adaptée pour encourager les enfants à se confier, notamment dans des groupes de parole.

 

Pris en charge pendant deux ans par la banque HSBC, le soutien scolaire concernera 10 à 15 enfants en difficulté des Standards IV à VI. Et les parents d’élèves du primaire décidés à renverser la tendance de l’échec scolaire seront invités à rejoindre un groupe animé par Marjorie Desvaux, enseignante au collège du Saint-Esprit de Rivière-Noire. Objectif : leur donner des outils pour encadrer et motiver leurs enfants à la maison.

 

Côté prévention, l’association LEAD est venue proposer l’an passé un programme pilote pour sensibiliser 40 enfants de cinq à 10 ans aux méfaits de l’alcool et du tabac, de Rivière-Noire et Petite-Rivière-Noire.

 

Isabelle Philippe, animatrice pour LEAD, s’appuie sur une pédagogie développée à partir du livre Sami etl’île Maléfique de la Ligue Vie et Santé pour encourager les enfants à se confi er : «Les enfants de cinq à 10 ansconnaissaient tous les nomsdes alcools, preuve qu’ils y sontbien confrontés au quotidien.Et dans les groupes de parole,que nous appelons ‘Momankoz sekre’, certains enfants ontavoué consommer eux-mêmesde l’alcool ou des cigarettes.Grâce aux témoignages des parents,nous savons aussi que nosinformations sont entrées dansla maison avec des changementspositifs de comportement des petitset des grands. Par exemple,des adultes ne boivent plus pendantle dîner, des enfants ontdemandé à leurs parents derendre leurs bouteilles à la boutique…Les 13 rencontres avecles enfants ont en outre permisd’aborder l’hygiène, les droits desenfants, les différentes formes deviolence et la sexualité.»

 

Cette année encore, 40 enfants bénéficieront de ces séances animées par LEAD, à Rivière-Noire et Petite-Rivière-Noire. Et des séances de prévention des grossesses précoces seront animées par un psychologue de LEAD. Enfin, le projet baptisé «Musique dans la peau», porté par Caritas, bénéficiera de l’expertise de Zanzak Arjoon et de son association La Pointe Tamarin. «Trente enfants profiteront de cette initiation aux percussions. La National Empowerment Foundation(NEF) financera l’acquisition des instruments et la MauritiusTelecom Foundation les salaires des instructeurs. «Nous cherchons encore des financeurs pour leur faire découvrir les instruments électriques et aussi pour aménager un local avec des pièces insonorisées », fait ressortir Geneviève Tyack.


Maïti Chagny, conseillère techniquenationale pour «UNHabitat», île Maurice

«Repenser l’urbanisme, c’est aussi lutter contre les problèmes sociaux»

 

En quoi consiste le Programme participatif d’amélioration des bidonvilles (PPAB) sur lequel vous travaillez ?

 

Depuis 2008, UN Habitat a développé ce programmepour les paysACP (Afrique, Caraïbes,Pacifique) financé parl’Union européenne (UE),afin d’améliorer les conditionsde vie des habitantsdans les bidonvilles. L’aspectfondamental de ceprogramme, ce n’est pasde considérer uniquementles problèmes liés à l’habitat,mais de permettre auxacteurs concernés de comprendreles causes diversesqui entraînent la créationet le développement noncontrôlé des quartiers insalubres,habitats informelsou bidonvilles. Cela afin de définir ensemble des solutionsstratégiques, efficaceset durables.

 

Comment définit-on un bidonville et est-ce que les poches de pauvreté de Maurice en font partie ?

 

Suivant les critères de UN Habitat, si une personne ne bénéficie pas d’au moins une de ces conditions, elle est considérée comme vivant dans un bidonville : 1. droit à la propriété ou la sécurité de l’occupation ; 2. Structure permanente protégeant des conditions climatiques extrêmes ; 3. Espace de vie suffisant ; 4. Accès à l’eau potable à un prix raisonnable et 5. accès à des sanitaires partagés par un nombre limité de personnes. Effectivement, Maurice n’a pas de bidonville au sens large du terme ; l’appellation «poche de pauvreté » est plus courante.

 

Comment envisagez-vous l’amélioration des poches de pauvreté à Maurice ?

 

Avec le développement économique que Maurice connaît, les ministères et le grand nombre d’institutions actives dans la lutte contre la pauvreté et pour l’amélioration du logement social, les organisations non gouvernementales (ONG) et les ressources disponibles à travers le CorporateSocial Responsibility (CSR), il semble possible de trouver des solutions efficaces pour améliorer les conditions de vie des habitants dans les poches de pauvreté et ce, sur le long terme. L’ambition du programme, à Maurice, est d’amener ces acteurs à travailler ensemble sur la base d’une plateforme commune. Le logement social n’est pas seulement la responsabilité des différents ministères ou ONG. Les organisations communautaires et les habitants eux-mêmes doivent y être fortement impliqués, d’où l’approche dite «participative ».

 

Dans cette optique, la création de plateformes comme le Kolektif RivierNwar est fondamentale. UN Habitat est donc optimiste au vu de la dynamique existante. La mise en place du PPAB se fera en partenariat avec le ministère du Logement et des terres.

 

Des études de longue haleine ont déjà permis de cibler trois cités pilotes…

 

Notre programme est divisé en trois phases. La phase 1 a permis, en décembre 2011, de développer un National Urban Profi le ainsi que des UrbanProfiles sur Port-Louis, Beau-Bassin/Rose-Hill et Rivière-Noire. Des poches de pauvreté ont aussi été identifiées : Karo Kalyptis à Port-Louis, Barkly à Beau-Bassin, la cité EDC à Rivière-Noire. La seconde phase va débuter ce mois-ci avec des recherches sur différents paramètres : environnement bâti et social, acteurs locaux, réglementations urbaines et de logements, étude de la question des zones à risques etc… suivies d’une analyse avec tous les acteurs concernés : acteurs ministériels, institutionnels, associatifs, académiques, des médias et bien entendu les bénéficiaires, habitants des poches de pauvreté. Le but est de permettre aux acteurs de développer ensemble une stratégie pour la mise en place concrète de la phase 3. Celle-ci consistera à améliorer au moins une poche de pauvreté et/ou d’autres poches de pauvreté dans d’autres régions voire même à l’échelle nationale. Par exemple, au Kenya et au Maroc, la stratégie pilote concertée a été reproduite au niveau national.

 

Comment se passera la phase 3 et qui financera les travaux ?

 

Par principe, UN Habitat préconise l’améliorationdes conditions devie des gens sur place etévite autant que possiblele relogement, le déplacementde la communautépour minimiser la perte decapital social et l’éloignementdes centres d’activités.Les résultats issus dela phase 2 viseront nonseulement à l’améliorationdu logement in situ maisaussi à la planification urbaine,économique de larégion, favorisant parallèlementd’autres aspectsfondamentaux dans lalutte contre la pauvreté :un meilleur accès à l’éducation,à la santé, au travail,au sport, aux arts, etc. Lefinancement viendra enpartie des ACP et de l’UEet en partie de Maurice.