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La police se débarrasse d’un… handicapé

7 mars 2007, 00:00

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L’année 1981 est celle des Handicapés. Elle est décrétée par les Nations unies qui espèrent que ses pays membres se feront le devoir de multiplier les moyens, permettant à leurs invalides, non seulement de rattraper leur retard par rapport aux citoyens non handicapés, mais encore de bénéficier d’un traitement de faveur pour compenser leur invalidité et la gêne qui en résulte. Avec sa perspicacité, bien particulière heureusement, la police de Maurice comprend cette Année des Handicapés comme le moment propice pour se débarrasser d’un de ses membres, devenu invalide, alors qu’il défendait sportivement les couleurs policières et après l’avoir servie loyalement et efficacement pendant près d’un quart de siècle. La triste histoire du policier James Wilson mérite d’être rappelée pour l’édification des masses afin qu’elles n’oublient jamais comment notre force policière traitait ses membres handicapés quand Sir Seewoosagur Ramgoolam était notre Premier ministre bien aimé.

James Wilson se blesse à la colonne vertébrale, en 1955, lors d’une partie de football tandis qu’il défend les couleurs de la Police. Handicapé et à demi-paralysé, il est affecté, depuis au poste de police de Rose Hill. Il y remplit, en uniforme, diverses tâches administratives, dont la prise en charge, avec une efficacité remarquée, du délicat dossier du renouvellement des permis d’armes à feu. Tout fonctionne comme sur des roulettes pour lui malgré la paralysie de ses membres inférieurs, l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant. Le 10 octobre 1981, la hiérarchie policière ordonne soudainement son transfert de Rose Hill à Port Louis. Il fait vainement ressortir ne pas pouvoir se déplacer sur une si longue distance, ni pouvoir accomplir les mêmes tâches qu’un policier non handicapé. De même, il explique, en pure perte, ses problèmes personnels au commissaire de police par intérim, M.B Juggernauth.

Il n’y a rien à faire. La hiérarchie policière se montre intraitable. Les absences de Wilson pour raisons médicales se multiplient. Après 14 jours d’absence, on le convoque devant un comité médical qui le déclare inapte pour le service. Il doit prendre sa retraite prématurément à 53 ans. Les Au dire de certains haut gradés, ce handicapé devrait être reconnaissant d’avoir pu travailler à la police pendant si longtemps... La discipline doit primer... La police ne peut faire d’exception pour personne... Tout policier doit être en bonne santé et en bonne condition physique... Le maintenir à son poste créerait un dangereux précédent... Des chômeurs bien portants ne peuvent tolérer qu’un handicapé occupe un poste dans la force policière alors qu’ils sont en quête d’un emploi.... et patati et patata !

Informé de ce renvoi d’un handicapé de la force policière, le ministre de la Sécurité sociale, M. Kailash Purryag, ne décolère pas. Il considère inadmissible qu’en pleine Année des Handicapés, la police mauricienne puisse se débarrasser aussi cavalièrement d’un handicapé l’ayant si bien servi pendant 23 ans. Il regrette que M. James Wilson n’ait pas pris contact avec son ministère pour le mettre au courant de ses difficultés. Il ne comprend pas qu’on puisse déclarer inapte pour le service quelqu’un qui a travaillé et donné satisfaction pendant presque un quart de siècle. Un handicapé physique peut être très utile pour remplir des tâches administratives. A suivre le raisonnement policier, l’on doit aussi limoger ceux portant des verres, ceux atteints de diabète. Mais que peut une colère ministérielle devant l’intransigeance des casernes centrales, surtout si le ministère de l’Intérieur feint de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien savoir, et de se cacher derrière le paravent habituel : I need notice of the question.

Bernard Cathan, secrétaire permanent à la Sécurité Sociale et président du Conseil national pour la réinsertion des handicapés, est du même avis. La devise de l’Année des Handicapés est pourtant “Participation entière et égalité”. Il déplore que l’appel en faveur des handicapés ait reçu un meilleur accueil dans le secteur privé que dans le gouvernement et les corps para-étatiques. C’est ce qui se passe quand on applique le principe pharisien : Fais ce que je dis. Ne fais pas ce que je fais ! Les associations s’occupant du bien-être des policiers refusent, bien sûr, de se prononcer sur la question. Ena transfert dédans !

Tout cela confirme qu’il n’y a pire handicap que la bêtise, surtout quand elle est hiérarchique et fait autorité. Et l’on peut compter sur les casernes centrales pour nous rappeler cette triste réalité de notre condition humaine.