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John Davies : « Nous avons fait notre boulot »

14 octobre 2010, 07:44

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Le directeur de la Competition Commission Mauritius (CCM) tire sa révérence, en janvier 2011. Il fait le bilan des deux années passées à lancer cette institution


Votre contrat à la tête de la CCM ne sera pas renouvelé. Quels sont vos sentiments par rapport à cela?

J’ai toujours été clair sur le fait que je ne passerais pas plus de deux ans à Maurice. D’ailleurs, je l’ai dit en public plusieurs fois depuis mon arrivée et j’ai précisé au Premier ministre que je ne demanderais pas que mon contrat soit renouvelé. J’en ai aussi informé mes commissaires. A chaque fois que mon épouse et moi rencontrons des gens et qu’on nous demande combien de temps nous resterons à Maurice, nous leur donnons la même réponse.

Pour quelle raison?

C’est parce que notre fille sera bientôt en âge d’entrer à l’école secondaire et si nous devions rester plus longtemps, elle devrait par la suite changer d’école à nouveau, quand nous rentrerions en Angleterre. C’est en partie pour cette raison que nous avons voulu venir à l’île Maurice. C’était notre dernière chance de travailler à l’étranger, dans un pays comme Maurice, avant que les enfants n’aient grandi. Donc, cette opportunité est arrivée à point nommé pour nous. Voilà pourquoi nous ne voulions pas rallonger notre séjour à Maurice. Mais je partirai sans regrets.

Quand vous considérez le travail que vous avez abattu, depuis que vous êtes à Maurice, c’est-à-dire, janvier 2009, avez-vous un sentiment de devoir accompli ?

Oui. Je m’étais fixé comme objectifs de monter la commission en un an et de passer l’année suivante à la diriger pour qu’elle fasse ce qu’elle devait faire. Et tout s’est déroulé comme prévu. En décembre 2009, nous étions pleinement opérationnels : le personnel avait été recruté, la loi était en place et les directives et règlements avaient été publiés. Selon moi, tout s’est passé très vite, si je me base sur l’évolution d’autres commissions similaires à travers le monde, comme celle de l’Inde, par exemple. Nous pouvons dire que nous avons fait vite par rapport aux institutions publiques de Maurice également. Au cours de cette année, nous avons lancé sept investigations et 40 autres enquêtes moins formelles. Donc, nous avons fait notre boulot. Je suis satisfait quant à la progression de la commission. En général, les choses arrivent rarement plus vite que vous ne l’espérez.

Quelles sont, justement, les réalisations dont vous êtes le plus fier?

Je dirais le fait de lancer la commission elle-même. Mais cela tient plus de l’impact, plutôt que des retombées. Il nous reste encore beaucoup à faire pour que le public comprenne notre rôle. Le résultat le plus probant reste le travail accompli auprès des entreprises. Certaines sont très coopératives. D’autres moins. Mais toutes nous ont pris très au sérieux. Le cas d’IBL démontre le haut niveau d’implication de ce groupe pendant notre investigation. Je peux donc dire que la commission et les entreprises ont développé un cadre de travail. Nous devons maintenant faire en sorte que cela s’étende aux petites et moyennes entreprises.

Si vous deviez suggérer des amendements à la «Competition Law», quels seraient-ils ?

Rien de très sérieux. Nous sommes actuellement en discussion avec le gouvernement à propos d’amendements mineurs, concernant quelques soucis que nous avons identifiés en appliquant la loi. Cependant, rien de plus normal pour toute nouvelle loi d’une telle envergure. Il n’y a rien dans la loi qui nous empêche de faire notre travail ou qui, fondamentalement, demande à être changé.

A quoi devra s’attendre votre successeur ?

A propos de mon successeur, selon toute vraisemblance, ce devra être un autre moi. Je veux dire par là un expatrié. Il devra amener l’institution à maturité. Celle-ci est encore toute jeune. C’est le défi qui l’attend. Nous n’avons pas d’opposition sérieuse pour le moment mais je pense que lorsque nous commencerons à marcher avec plus d’assurance, des difficultés pourraient surgir. Mon successeur devra s’en faire si, justement, il ne rencontrait aucune opposition. Le vrai défi reste de porter l’institution à maturité. Il y a aussi encore beaucoup de travail pour faire connaître la commission du public mauricien en général. L’urgence, au début, était de sensibiliser les grandes entreprises. Nous l’avons fait.

Etes-vous en train de dire que la commission n’est pas prête à faire face à cette opposition actuellement ?

Je dirais plutôt que, même si on peut le faire, la commission est encore nouvelle et, de ce fait, les gens arrivent plus facilement à l’accepter. Nous avons encore un bon soutien au niveau politique. L’accueil au sein du monde des affaires est encore bon également. Mais cela ne durera pas. Cette aura de nouveauté se dissipera et, à un certain moment, nous ferons partie du décor. Alors, les critiques commenceront à pleuvoir.

Que pensez-vous du monde des affaires mauricien, par rapport à la compétition justement?

Il y a des problèmes ici, comme partout ailleurs. Nous enquêtons sur certains d’entre eux. Mon ancien patron à la Competition Commission, au Royaume-Uni, disait toujours qu’il n’y a que deux types de problèmes en affaires : ceux sur lesquels nous n’enquêtons pas et sur lesquels nous ne disons rien, et ceux sur lesquels nous enquêtons et sur lesquels nous ne disons rien non plus. (rires) Nous publions nos rapports au terme de chaque investigation. Deux rapports sont déjà accessibles au public, d’autres viendront. Les informations sur les sept investigations en cours sont disponibles sur le site web de la commission. Les enquêtes moins formelles sont tenues secrètes parce que nous devons décider s’il y aura investigation par la suite. Voilà comment nous commentons le secteur des affaires à Maurice.

En vous basant sur votre formation d’économiste, comment, selon vous, Maurice pourrait-il tirer profit des solutions à ses problèmes de compétition dans ce même secteur ?

Il est clair que Maurice réussit très bien dans le monde des affaires, avec une croissance rapide et un secteur d’exportations diversifié. Ce qui lui confère une base économique extraordinaire. Je crois que l’économie de Maurice dispose de deux secteurs actuellement : un secteur qui se tourne vers l’exportation et qui est hautement efficace. Maurice réussit également dans le secteur des services. Ce sont les deux secteurs les plus compétitifs au monde. Une loi sur la compétition a pour but d’apporter les mêmes pratiques de ces secteurs au sein des autres secteurs plus proches des consommateurs. C’est d’apporter cet esprit «consumer-focused» au marché domestique qui pourrait être profitable au pays.

Entrevue et photo réalisées par Ludovic AGATHE

 

Ludovic AGATHE