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Janine Grant : Vingt-cinq ans de soutien aux enfants déscolarisés

1 mars 2014, 00:00

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Janine Grant : Vingt-cinq ans de soutien aux enfants déscolarisés

Entourée d’une équipe dévouée, Janine Grant aide des enfants de Triolet et de Trou-aux-Biches à prendre goût aux études à travers l’école de l’Association d’Alphabétisation de Fatima, qu’elle dirige.

 

C’est animée par la conviction que l’éducation est un moteur de mobilité sociale que la pédagogue Janine Grant s’est engagée il y a 25 ans à animer des ateliers de lecture et de créativité pour les enfants de la région de Triolet-Trou-aux-Biches. Des ateliers qui ont pris, un quart de siècle plus tard, la forme de l’école de l’Association d’Alphabétisation de Fatima.

 

En 1988, lorsque Janine Grant et ses amies, notamment Janine Poupard et Priscille Clarenc, décident de se lancer dans l’animation d’ateliers de lecture à l’intention des enfants des régions de Trou-aux-Biches et Triolet, elles sont loin de se douter que cet encadrement qu’elles entrevoyaient informel et ponctuel deviendrait permanent.

 

À l’époque, Janine Grant a déjà derrière elle un beau parcours. En effet, cette enseignante diplômée de l’université de Cape Town, en Afrique du Sud, compte des années d’enseignement des mathématiques et de géographie aux collèges de Lorette de Rose-Hill et de Quatre-Bornes, de même que dix années de gestion de L’École du Nord. Après une pause pour élever ses trois enfants, elle cherche simplement à reprendre du service de façon informelle et à temps partiel.

 

Ses amies et elle organisent une rencontre avec les forces vives de Triolet-Trou-aux-Biches dans la cour de la chapelle Notre-Dame-de-Fatima, afin de les sonder car elles rêvent d’aménager une petite bibliothèque pour les enfants de la région et d’animer avec eux un atelier de lecture deux fois la semaine. Les représentants des forces vives brisent ce rêve en faisant valoir que plusieurs enfants de cette région sont déscolarisés et que beaucoup d’entre eux n’ont même pas maîtrisé les bases de la lecture, quand ils ne sont pas analphabètes. Janine Grant prend alors l’initiative de faire la lecture à ces enfants pour leur transmettre le goût de la lecture et des études.

 

Le curé de la paroisse à qui elle fait part de ce projet lui cède la maison du sacristain située dans la cour de la chapelle Notre-Dame-de-Fatima, petite case délabrée en tôle. Elle frappe à la porte de l’hôtel Trou-aux-Biches pour obtenir des fonds et la faire rénover. Une fois que c’est fait, elle lance les «invitations» à son public cible. On est à la fin de l’année 1989. Janine Grant se retrouve avec 14 enfants de 12 ans à monter, tous déscolarisés.

 

Vu qu’ils ont du mal à s’extérioriser, elle ajoute un atelier d’expression corporelle et un autre de bricolage. Puis, au début de l’année 1990, Janine Grant prend une grande décision : offrir un encadrement quotidien à ces enfants et se lancer dans l’alphabétisation en fonction de leur niveau, qu’elle évalue à leur admission à l’école. Là, on ne peut plus parler que de bénévolat. Il s’agit aussi de trouver des instituteurs à plein temps.

 

Pour pouvoir les rétribuer et assurer cette mission qu’elle n’entrevoit que pour un an, elle demande un parrainage de Rs 300 par mois aux paroissiens. Argent qu’elle n’a aucun mal à obtenir. «L’éducation à Maurice paraissait si développée que nous pensions qu’il n’y aurait pas d’autres enfants en situation d’échec scolaire l’année suivante. Or, nous avons été surprises car leur nombre n’a pas diminué

 

Janine Grant choisit de poursuivre l’aventure et de restreindre le nombre d’enfants par classe à une quinzaine. «Nous voulons que ces enfants comprennent qu’ils ont de la valeur et du talent. Ils ont beau venir de divers horizons et être de niveaux différents,nous voulons quand même leur offrir une attention particulière,tout en gardant le contrôle de la classe. D’où le petit nombre d’élèves par classe

 

Les enseignants, les bénévoles, de même qu’elle, dans un premier temps, animent les classes. «Nous leur avons montré à lire, écrire et compter en s’amusant et avons mis l’accent sur beaucoup d’activités destinées à développer leurs talents, à savoir le sport, la musique, les arts plastiques, la vannerie, la cuisine, la danse, le jardinage.» Comme l’alphabétisation proposée est informelle, elle fait enregistrer l’école auprès de l’Adolescent Non-Formal Education Network qui dispense aussi une formation à ses enseignants.

 

Et à chaque fois que Janine Grant, qui a enregistré l’école sous le nom de l’Association d’Alphabétisation de Fatima, dispose d’un peu d’argent, elle ajoute des salles de classe au bâtiment construit peu après leur emménagement dans la cour de la chapelle, tout en conservant la case en tôle initiale. Elle a la chance de trouver un interlocuteur très favorable en la personne du père Philippe Goupille, curé de la paroisse. Les enfants sont soumis à des contrôles continus et ceux qui sont prêts reprennent l’examen du Certificate of Primary Education(CPE).

 

Le succès est souvent au rendez-vous. Or, si les garçons sont alors dirigés vers le collège technique Saint-Montfort, les filles, elles, sont contraintes de végéter. Estimant qu’à chaque problème, il y a une solution, Janine Grant prend la décision d’offrir aux garçons comme aux filles une formation à un métier. C’est ainsi qu’elle met en place des cours plus poussés d’anglais et de français mais aussi des cours d’esthétique, de coiffure, de massage, de couture, de broderie, d’art floral, de pâtisserie, entre autres, pour qu’ils puissent plus facilement trouver des débouchés.

 

Comme plusieurs de leurs élèves viennent de la résidence Mère Teresa à Triolet, où il n’y a pas d’école préscolaire, en 1996, l’association que préside Janine Grant aménage une maternelle au coeur de cette cité. Elle accueille 25 enfants encadrés par deux puéricultrices.

 

« Ma plus grande joie est de les voir heureux » 

 

Quant à l’école se trouvant dans la cour de la chapelle de Notre-Dame-de-Fatima, grâce au financement du Corporate Social Responsibility (CSR), Janine Grant, qui est désormais aidée par un directeur en la personne de Tristan Médard, a fait ajouter au bâtiment existant un préau et une salle d’informatique. Actuellement, l’établissement compte 145 élèves et sa liste d’attente est longue. «Je suis convaincue que notre encadrement aide ces enfants. Ma plus grande joie est de les voir heureux. Où que nous les croisions, ils viennent nous saluer et paraissent joyeux.»Elle n’oublie pas les paroles d’une élève qui disait que «isi pran nou kont. Ler nou ena malad latet, donnnou konprime.» Et Janine Grant d’ajouter : «Cela résume bien ce que nous cherchons à offrir.»

 

En 25 ans, de nombreux jeunes sont passés par l’école de l’association. La plus belle réussite, selon notre interlocutrice, est avant tout humaine. «Comment mesure-t-on la réussite ?Pour moi, elle n’est pas avanttout académique.» Elle cite le cas d’une ancienne élève de l’école issue d’un milieu très défavorisé, qui a été suivie pendant six ans et a épousé un ancien élève. «Ils ont une famille et elle lutte au quotidien pour celle-ci. C’est beau de voir comment elle a à coeur l’évolution de ses enfants et de sa famille. Sur papier, cela ne vaut peut-être rien mais pour moi,elle a retrouvé le respect de sa personne et de sa famille. Et ça,c’est extraordinaire

 

Cela dit, elle ne dédaigne pas la réussite d’un de ses anciens élèves qui danse aujourd’hui dans une troupe à Paris, d’un autre qui est un pâtissier hors pair ou d’un autre encore qui se passionnait pour la natation et est désormais un excellent moniteur de plongée.

 

Janine Grant avoue aussi qu’elle n’aurait pu avoir réalisé tout cela sans sa «dreamteam», c’est-à-dire les 15 enseignants dont un travailleur social et une psychologue, trois employés non-enseignants et toute une équipe de bénévoles très actifs qui apportent leur soutien à l’association. Sans compter son époux, Graeme, qui l’a continuellement soutenue.

 

Elle rêve d’avoir des jeunes qui seraient intéressés à prendre sa relève et celle de ses amies. «Nous n’avons plus la même énergie qu’autrefois. Il nous faudrait des jeunes qui aient la même vision que nous concernant l’aide à apporter aux enfants mauriciens n’ayant pas eu le même départ que les autres dans la vie. C’est difficile à trouver car beaucoupde jeunes travaillent et n’ont pas le temps de s’investir

 

Le souhait de Janine Grant est que «chaque enfant qui passe par l’école soitaccepté tel qu’il est et arrive à trouver sa voie ; à se faire une place au soleil…»