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De nouvelle en nouvelles

15 novembre 2004, 00:00

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Plus j?avance en âge, plus je conteste la validité de la notion temps. Je dis bien temps et pas du temps pour donner à ce mot tout son plein de sens en l?isolant comme il convient, depuis un certain déjà, de dire ou d?écrire peur que et non de peur que, formule pour le moins lourde... Contestation donc qui confine à la colère, voire à la révolte. La raison est quelque part inscrite dans mon refus de toute forme de disparition : un goût qui diminue avant de disparaître - le doux, le salé, l?acide ou le brûlant peu importe. Un parfum, une odeur, une senteur qui s?estompent avant de se faner. De même un chant, un air, une musique qui se taisent. Ou encore une couleur qui perd son éclat. Bref, je hais tout ce qui ressemble de près comme de loin à la mort. Mais, toute violence absoute, je pense que le plus efficace contre la disparition, lente ou rapide, réside dans la volonté de créer. Plus simplement, de faire. Pour tout avouer, trop réfléchir, lambiner, tergiverser, justifient le temps, du moins son installation. J?avance tout ceci sans prétention aucune d?inaugurer une quelconque philosophie, mais plus utilement, pour recourir à une certaine dose d?utopie sans laquelle nous nous contenterions d?exister en oubliant de vivre. Faire. Encore et encore... Ainsi, le 11 du 11ème mois de cette fin d?année 2004, lors du lancement, sous l?égide de deux présidents de la République de Maurice, l?actuel et l?ancien : Sir Anerood Jugnauth et Son Excellence Cassam Uteem, du 11ème volume de la Collection MAURICE de nouvelles trilingues : anglais, français, créole, dans le décor heureusement surprenant et ô combien ensoleillé de la Place du Moulin, en rade de Port-Louis, en présence d?un public averti, mais pas seulement, ai-je pris, après un signe complice au maître de cérémonie Rama Poonoosamy, la soudaine liberté de créer, sans autre inutile précaution, le Grand Prix MAURICE de la Nouvelle. Il est vrai que je me suis beaucoup battu et réussi contre l?apathie de certains esprits à qui suffisait le confort (!) d?une bonne vieille radio de papa, il y a près de 30 ans de cela, alors que j?étais producteur à ce qui est devenu aujourd?hui Radio-France Internationale, l?organisation du premier Concours de la Nouvelle francophone, ouvert, en un premier temps, aux auteurs d?Afrique et de l?océan Indien, puis plus tard à tous les écrivains de langue française du monde. Un concours qui a permis la découverte de talents nombreux et de qualité par la suite regroupés après chaque concours et publiés dans une collection aujourd?hui recherchée en francophonie. C?est dire le rôle utile de ce concours dans la carrière d?auteurs aujourd?hui reconnus. Tant mieux !!! Alors, en cette belle matinée du 11/11 courant, instinctivement, la brûlante nécessité de créer le Grand Prix MAURICE de la Nouvelle m?a envahi et j?y ai succombé. Dans le même élan, j?ai donné la composition du jury, quitte à confirmer la participation définitive des unes et des uns. Il s?agira de Lady Sarojini Jugnauth, Colette Seghers de Paris, Danielle Tranquille, Cassam Uteem, Barlen Pyamootoo, Rama Poonoosamy et moi-même. Ce qui agira désormais comme le Jury des Sept du Grand Prix Maurice de la Nouvelle ouvert à tous les auteurs mauriciens de langue française... Car la nouvelle est une discipline littéraire de plus en plus populaire, avec tout ce que ce terme entend d?ouverture et de plein vent... Je n?ai pas été le seul à m?enchanter de l?intervention de Sir Anerood Jugnauth au moment de l?ouverture de cette matinée du 11/11. Un politique haussé au rang de président de la République, avec tout ce que cela réunit de demandes, de sollicitations diverses et variées, d?attente et de responsabilités, aurait pu se contenter de quelques formules d?usage bien troussées, sans que cela ne diminuât en rien la solennité de l?heure. A la place, Sir Aneerood a choisi de ne pas se contenter de propos polis. Il a pris le temps de nommer et de s?attarder, par exemple, à un choix de six nouvelles, comme pour à la fois bien participer et tout partager. Ce qui m?a définitivement séduit, ce sont les quelques mots - signes d?implication dans le texte - valorisant sa présentation dans les trois langues consécutives : le français, l?anglais et le créole. Pour rendre à la nouvelle ce qui est à la nouvelle, il s?agissait - c?est moi qui en cite chaque fois un très bref extrait - dans l?ordre, de Les Banjaras de Ananda Devi : ?Longtemps, l?aveugle a décrit les choses avec les yeux de sa mémoire. Il se souvenait des paysages rongés par les falaises de sable, des ruissellements rocheux découpés à même l?horizon, des absurdes floraisons après des pluies, et du lent desséchement qui, aussitôt après, recommençait.?... De Le trésor de la mer de Clotilde de Boucherville-Baissac : ?L?aube striait d?or l?horizon nuageux quand Ti Polo hissa son foc. Il avait recommandé à sa femme Agnès de lui préparer à manger et surtout à boire pour la journée, lui disant qu?il camperait à l?îlot Flamants, ce banc de sable tout près des récifs, loin dans le lagon de Trou d?Eau Douce. Son jerrican d?eau bien calé au fond de la pirogue, sa bouteille de rhum, essentielle pour casser la fatigue d?une journée de pêche, il mouilla la voile, et bientôt la pirogue fendit l?eau avec un léger clapotis.?... De Battle in the Arctic Sea de Jean Lindsay Dhookit : ?As so often happens with the greatest adventure in one?s life, it started by accident. At that time, in November 1943, I was working at the Admiralty in London. My job title was wireless operator, but I had very little to do with transmitting messages ? either by radio or Morse. Most of the time I was in the war room, assigned to just affixing coloured pins on charts to show the movement of ship convoys over the Atlantic.?? De Voices over the Sea de Sushilla Gopaul : ?Champa recalled from her student days. If materials undergo changes and get improved, feelings and thoughts must follow suit. She concluded that, if for the poet, bones became corals, eyes became pearls, if for the anthropologist, the colonized became a colonizing power, then for her, fear could become courage through the voices she heard over the waves. Stories, like the sea, do have a ?self-renewing and transformative energy,? she told herself.?? De Fé Lamer de Loga Virahsawmy : ?Dan sa lakaz bitasyon-la ti ena dé zoli zanfan, zot mama ek papa, ki ti viv enn lavi kuma dan rev. Lakaz-la ti omilyé enn zarden ki ti telman gran ki nenport ki etranzé ti kapav perdi ladan. Apar bann pyé fri, fler ek bann arbis, dan zarden-la ti ena tusort kalité lezot pyé ki nepli truvé dan pei Moris. Pyé rusay ti pé fer gaté ar pyé zanbas. Pyé zanblon ar pyé koronsol ti kuma gato kosté. Pyé prinn pé fer laronn ar pyé pomzako. Pyé kakapul ek py130 samkot ti pé donn lonbraz pyé janta. Pyé lakoklis ti pran enn gran plezir pret so lonbraz kan ti ene dezené dan lakur.? Et finalememt de Lamer inn fermé de Shenaz Patel : ?Zordi li pa la. Pé get enn lot lamer ki prizonyé kontur larad, so dili gra ek lur ki pa mem buzé, ki pa konn flik-flaké kont so lipyé, enn lamer mor, teyn. Enn lamer surd. Enn lamer pa konn saryé bato. Tulezur li get lamer-la li kalkilé meme. Ziska li truv so dernyé soley li pa koné si li pu reysi dekuver kuma bizen fer pu réuver sa pasazla. Tulezur, ziska so lizyé brilé, li geté mem, li nek truv enn lamer fermé.?... Quoi attendre après cela, sinon d?autres heureuses, très heureuses nouvelles !

<B>Edouard J. Maunick

Port-Louis, le 13.11.2004</B>

?Sir Anerood a choisi de ne pas se contenter de propos polis. Il a pris le temps de nommer et de s?attarder, par exemple, à un choix de six nouvelles, comme pour à la fois bien participer et tout partager.?