Publicité

Baie-du-Cap: ces réalités villageoises qui cognent aux portes des villas de luxe

3 décembre 2016, 18:50

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Baie-du-Cap: ces réalités villageoises qui cognent aux portes des villas de luxe

Nouvelle protestation des habitants de Baie-du-Cap contre l’IRS MonRoze. En filigrane, ce sont les conditions de vie précaires de ces concitoyens qui frappent.

Ce n’est pas que cela : des habitants d’un petit village côtier – Baie-du-Cap – contre un promoteur immobilier – Integrated Resort Scheme (IRS) MonRoze. Ce qui frappe davantage lors d’une halte à Baie-du-Cap, ce sont les conditions dans lesquelles vivent certains concitoyens. Leurs craintes, leurs aspirations, leur envie de protéger l’âme de leur village contre des gens venus d’ailleurs ; que ce soit des Mauriciens d’autres localités ou des étrangers.

Kersley Louis, menuisier, montrant les marches menant à sa maison.

Sans hésitation, Kersley Louis, menuisier, nous conduit chez lui. Il prend soin de nous prévenir avant : il y a 75 marches en pente raide à grimper. Au bout des marches, il faut encore escalader un sentier rocailleux, traverser un espace boueux sur lequel a été jeté un bout de planche pourrie par les intempéries.

«Mo mama so zénou inn izé», se lamente Kersley Louis. «Kan ou trouv li mars sa bout-la, ou per.» Les mains vides, on est légèrement essoufflé en arrivant devant la porte de cet habitant de Baie-du-Cap. Il nous laisse imaginer ce que c’est que de faire le parcours «avek dé sak ration». Arrivés en haut, nous verrons tout de même un véhicule garé devant la porte.

Comment le tout-terrain arrivet-il jusqu’en haut ? Kersley Louis explique que ses voisins de gauche n’ont pas fermé le sentier. Il l’a égalisé à coups de pic, affirme-til. En passant du côté de l’église, il peut se garer devant chez lui. Mais par temps de pluie, «cela peut arriver qu’on dérape».

Si la maison de Kersley Louis est en dur, une série de maisonnettes en tôle occupent ces terres louées à bail. La crainte principale des habitants : qu’à terme, on leur demande d’évacuer les lieux.

Jimmy Dessalles, pêcheur, concentre sa colère contre le mur d’enceinte en pierre du projet IRS MonRoze. «Ce mur coupe le village en deux. Certains parmi nous ont du mal à faire renouveler leur bail. Est-ce que tout cela est fait pour nous faire partir ?»

Réalité de Baie-du-Cap.

Son cœur, lui, est fermement arrimé à ce village qui n’a pas «d’école primaire, pas de club de foot» alors que le poste de police – auparavant abrité dans un bâtiment classé patrimoine historique – a déménagé. Le bâtiment est désormais interdit d’accès comme l’attestent des pancartes rouges placées bien en évidence.

Autre préoccupation des habitants : l’emploi. «Bel-Ombre est un exemple pour nous. Ce sont des personnes en dehors de la localité qui ont eu du travail. Dans une villa, combien de gens voulez-vous qu’ils emploient ? Trois ou quatre ?» se demande Stenio Laïde, habitant de Baie-du-Cap, lui-même un employé d’hôtel.

Lalit : «l’avenir bétonné»

Pour Lalit, qui soutient les habitants, le cas de Baie-duCap n’est qu’un exemple parmi d’autres mesures montrant que «gouvernman pé bayant nou later». Lalit est aux côtés des habitants de Baie-du-Cap depuis la manifestation du 28 février de cette année, rappelle Lindsey Collen. «Nous avons pris deux mois avant d’obtenir le rapport de l’Environment Impact Assessment. Nous avons recensé tous les cas. ‘Pé vann later tablisman ek sa pé vinn enn problem sosial’.» Kistna Kistnasamy, membre de Lalit, a, pour sa part, déclaré que les autorités permettent que l’on «bétonne des terres agricoles, ou alors on les vend. On détruit des emplois potentiels. C’est un développement destructeur. Une fois qu’il n’y aura plus de terres disponibles, que fera-ton ?» Selon elle, des unités de production de «manzé» auraient été plus appropriées.

Irs Monroze : «nous réhabiliterons l’ancien poste de police»

Sollicitée pour une réaction, Cécilia Robert, secrétaire générale de l’IRS MonRoze, affirme que l’ancien poste de police «sera réhabilité». «Au début, il servira de bureau de vente pour les villas. Une fois le projet complété, il deviendra un marché de légumes, où tous les habitants pourront venir.»

La responsable ajoute que les locaux qui abritaient le bureau de l’état civil seront «reconstruits à l’identique». Pour ce qui est l’emploi, elle ne cite pas de chiffre mais affirme qu’avec «les 3 000 mètres carrés d’espaces commerciaux qu’il y aura dans le projet, nous allons créer des emplois directs. Les habitants seront les premiers à y participer. Avec les résidences touristiques, c’est une centaine d’emplois qui verront le jour».

Une fondation sera aussi mise sur pied. Sa tâche : faire un chantier-école pour les métiers de la construction. «Le village ne va pas être coupé en deux. Au contraire, nous créons des lieux de rassemblement et de partage», fait ressortir Cécilia Robert. Elle soutient avoir déjà rencontré des membres des forces vives de Baie-du-Cap, «mais certains habitants ne sont jamais venus voir le projet».