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Brésil: accusé de corruption Lula interpelle l’ONU

28 octobre 2016, 12:46

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Brésil: accusé de corruption Lula interpelle l’ONU

Acculé par le scandale de corruption Petrobras, l’ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a allumé un contre-feu international en prenant l’ONU à témoin de la «persécution politique» dont il s’estime victime.

Mercredi soir, les avocats de l’icône de la gauche brésilienne avaient crié victoire, annonçant qu'«à partir de maintenant, l’ONU observera de façon formelle les violations grossières pratiquées quotidiennement contre Lula au Brésil» par la justice brésilienne.

Jeudi, une porte-parole de la Commission des droits de l’homme de l’ONU a confirmé à l’AFP qu’une plainte avait bien été «enregistrée». Mais elle a souligné qu’il ne s’agissait «en aucun cas d’une décision sur son admissibilité» qui sera tranchée ultérieurement.

La «communication» de Lula a été transmise à la Mission permanente du Brésil à Genève, «qui dispose d’un délai de deux mois pour rendre ses observations» sur les griefs évoqués par l’ex-président, a ajouté cette source.

En cas d’admissibilité, elle pourrait déboucher au mieux pour Lula sur une condamnation non contraignante du Brésil par la Commission des droits de l’homme des Nations unies.

«Le traitement d’une plainte peut prendre jusqu’à 5 ans», a précisé la porte-parole.

Lula, qui fêtait jeudi ses 71 ans, est poursuivi dans plusieurs volets de l’enquête judiciaire sur les détournements de fonds au sein du géant étatique pétrolier Petrobras dont une partie ont été reversés sous forme de pots-de-vin à des dizaines de parlementaires de son ancienne coalition.

L’ex-président clame avec force son innocence. Il dénonce la partialité de juges instrumentalisés dans le but de l’éliminer sans preuves de l’échiquier politique avant l’élection présidentielle de 2018 à laquelle il envisage de se présenter.

Mais les accusations pesant contre Lula sont de plus en plus lourdes. La Cour suprême du Brésil l’a récemment impliqué dans le volet politique de l’enquête ouverte pour «appartenance à une organisation criminelle» qui aurait orchestré les détournements de milliards de dollars des caisses de Petrobras.

Et le récent placement en détention préventive de l’ex-président du Congrès des députés Eduardo Cunha, inculpé pour corruption, a ravivé les craintes dans son camp d’une interpellation imminente de Lula.

Revers historique aux municipales 

«Même s’il n’a plus beaucoup d’espoir, il tente de convaincre l’opinion publique internationale qu’il est victime d’une injustice et que c’est la société brésilienne qui est corrompue», analyse José Augusto Guilhon Albuquerque, professeur de sciences politiques à l’Université de Sao Paulo (USP).

Jouant de son aura internationale, «il sait que tout article publié à l’étranger aura une répercussion interne» susceptible de mettre ses juges sous pression.

Son héritière politique Dilma Rousseff avait usé de la même stratégie quelques semaines avant sa destitution fin août pour maquillages des comptes publics. Elle avait multiplié les entretiens à la presse étrangère pour dénoncer un «coup d’Etat parlementaire».

Et «cette stratégie a plutôt bien fonctionné au début, mais les résultats des élections municipales ont montré que la société brésilienne, dans son immense majorité, rejetait le gouvernement du PT», souligne M. Albuquerque.

Le 2 octobre, le Parti des travailleurs fondé par Lula a en effet subi une déroute cuisante au premier tour des municipales, perdant plus de la moitié de ses mairies.

Gleisi Hoffmann, sénatrice du PT, et ancienne chef de cabinet de Mme Rousseff se veut néanmoins optimiste. «Lula est une figure politique qui a un poids immense. Nous opposerons une résistance, avec une campagne internationale sur plusieurs fronts pour le défendre», a-t-elle déclaré à l’AFP.

«En ce sens, la décision de l’ONU est très importante», a-t-elle souligné.

«Avec la plainte à l’ONU, Lula s’adresse aussi à ses partisans en disant je suis toujours en vie», souligne M. Albuquerque. «Il veut garder sa mainmise sur le PT qui est très divisé».

Lors de la campagne pour les municipales, très peu de candidats PT ont osé se réclamer de son héritage. Beaucoup ont même abandonné la couleur rouge et l’étoile emblématiques du parti.

Malgré tous ses déboires, l’ancien ouvrier métallurgiste arriverait en tête du premier tour de la présidentielle de 2018, recueillant entre 15,07% et 27,6% des voix en fonction de ses adversaires, selon un sondage publié le 19 octobre.

Mais il aurait très peu de chances de l’emporter au second tour.