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Jour J pour l’évacuation de la «Jungle» de Calais

24 octobre 2016, 07:21

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Jour J pour l’évacuation de la «Jungle» de Calais

 

La «Jungle» de Calais vivait, lundi matin, ses dernières heures, dans l’attente de l’évacuation de ce gigantesque bidonville de migrants prévue pour débuter tôt, sous haute protection policière.

Dès 08H00, cette énorme opération, revendiquée comme «humanitaire» par l’Etat, devait commencer pour vider le campement, devenu au fil des mois le plus grand bidonville de France avec ses 6.400 à 8.100 habitants (selon les sources), venus pour la plupart d’Afghanistan, du Soudan ou d’Erythrée avec le rêve de traverser la Manche.

Ils doivent être emmenés par cars dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) disséminés dans toute la France. Ce tranfert doit durer toute la semaine.

«Nous avons confiance que tout se passe bien», a assuré, dimanche, la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio, lors d’un point de presse, en détaillant les modalités de l’opération.

Première étape du processus, les migrants auront accès à «un sas», un grand hangar désaffecté installé à 300 m de la «Jungle». Dimanche, les pouvoirs publics ont intensifié leurs rondes d’information pour distribuer des feuillets explicatifs.

Du côté des autorités, on s’attendait à une forte affluence avant même l’ouverture des portes, certains migrants pouvant arriver tôt pour être sûrs de monter dans les bus.

Le dispositif a été pensé pour les orienter, après un entretien, en fonction de leur situation personnelle. Hommes seuls, familles ou personnes vulnérables seront répartis entre les 12 régions françaises (hors Corse).

Une véritable «gare routière» a été montée pour assurer la fluidité de l’opération, avec 60 bus prévus dès le premier jour. «Si on arrive à orienter 2.000 à 2.500 personnes lundi, c’est très bien», estime Didier Leschi, directeur général de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration).

Mineurs

L’organisation est millimétrée, depuis la géolocalisation des cars pendant le trajet, la présence de gendarmes sur les aires d’autoroute, jusqu’au planning des départs, les destinations les plus éloignées étant desservies le soir, pour des trajets nocturnes.

Dans la dernière partie du hangar, des lits de camp avaient été installés dès dimanche pour héberger ceux qui devraient passer la nuit sur place.

Les mineurs, eux, feront l’objet d’un traitement spécifique, puisqu’ils pourront rester 15 jours de plus dans les conteneurs installés sur le campement, dans l’attente de savoir s’ils peuvent gagner la Grande-Bretagne (comme près de 200 ont pu le faire depuis le début de la semaine), ou s’ils sont orientés vers des CAO-mineurs en France.

Mais la volonté des autorités est claire: à terme, le campement doit disparaître, et les opérations de déblaiement commenceront dès mardi.

Sur place dimanche, l’attente était palpable, et il suffisait aux migrants de regarder l’afflux de journalistes pour comprendre, si besoin, l’imminence d’une opération.

Valise

Beaucoup, notamment les Soudanais et les Eythréens, avaient déjà préparé leur valise. D’autres, surtout Afghans, semblaient plus réticents, ou incrédules, à l’idée du démantèlement.

«Il faudra nous forcer pour partir. Nous on veut aller en Grande-Bretagne», assurait ainsi dimanche Kharazi, un Afghan vivant dans les conteneurs du centre d’accueil provisoire.

Mais les récalcitrants ont été avertis: ils s’exposent à une interpellation au terme de l’évacuation et à un placement en centre de rétention administrative.

Beaucoup de migrants accrochés à l’idée de passer en Grande-Bretagne semblaient toutefois avoir quitté le campement ces dernières semaines. D’autres encore, comme Sam, un Syrien, après 13 mois passés dans la «Jungle» affirment avoir «planté (leur) tente dans un autre endroit», à une dizaine de kilomètres. «Ils sont des douzaines comme moi», dit-il, décidé à rallier «le Canada ou la Grande-Bretagne» et n’affichant «aucune confiance» dans les autorités françaises.

Dans un entretien à la Voix du Nord, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve se montre pourtant serein: «nous avons une stratégie globale pour éviter qu’un point de fixation ne se reforme».

Les pouvoirs publics reconnaissent toutefois que «c’est une opération à risques, qui peut dégénérer, avec la nécessité de faire intervenir la force publique», surtout à cause de la présence possible de militants altermondialistes. Aussi 1.250 policiers et gendarmes ont-ils été mobilisés.

Mais l’opération, présentée comme «humanitaire», laissait sceptiques certains associatifs: «le gouvernement rêve qu’en détruisant, cela va régler le problème migratoire, mais c’est une erreur : une bonne partie des gens qui vont partir reviendront, sans compter qu’il y a toujours de nouveaux arrivants, environ 30 par jour», affirmait, dimanche, François Guennoc, vice-président de l’Auberge des migrants