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Roselyne Lebrasse-Rivet: le droit bancaire, une passion à partager

22 octobre 2016, 22:00

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Roselyne Lebrasse-Rivet: le droit bancaire, une passion à partager

La Head of the Legal Strategic Business Unit de la Mauritius Commercial Bank a obtenu son adhésion au sein de la très sélecte Association nationale des juristes de banque de France. Ce qui constitue une suite logique dans son parcours.

Côté cour, Roselyne Lebrasse-Rivet est une professionnelle qui tient le travail bien fait en haute estime et avec qui il vaudrait mieux ne pas croiser le fer, surtout lorsqu’elle se sait dans son bon droit. Côté jardin, il s’agit d’une femme pétillante, très marrante et pour qui le mauricianisme n’est pas un vain mot. Contribuer à l’avancement de la pratique du droit bancaire et promouvoir cette branche relativement jeune du droit privé, puisque les législations et autres actes la composant datent de la fin des années 80, c’est devenu son but.

Bien qu’elle ait été élevée à la «dure», Roselyne Lebrasse-Rivet a toujours eu une personnalité affirmée. Cette troisième des quatre filles Lebrasse, toutes bien assises professionnellement, prend sa famille de court lorsqu’à 15 ans, elle décide qu’elle ne veut plus continuer à suivre le système éducatif anglais chez les religieuses du collège de Lorette mais souhaite découvrir l’enseignement français. Et ce, après avoir lu dans le journal que le Lycée Labourdonnais admettrait des élèves à l’issue d’un examen d’entrée. Elle va d’ailleurs voir le proviseur de cette école française, M. Colonne, pour lui faire part de son désir d’intégrer son école. Elle passe l’examen et se classe en tête des participants.

À l’annonce de ce résultat et avant la rentrée, elle est contrainte d’expliquer au proviseur que ses parents n’ont pas les moyens de lui payer la scolarité. «Il m’a dicté une lettre pour une demande de bourse auprès d’un comité comprenant professeurs et parents d’élèves» et il lui promet une réponse dans l’après-midi. Celle-ci est positive.

«Je n’oublierai jamais ce moment lorsqu’il est revenu de la réunion avec les membres de l’association des parents d’élèves et qu’il m’a dit que j’avais obtenu ‘quatre quarts de bourse’. Tout comme je n’oublierai jamais le sourire de mon père Yves lorsque nous avons été récupérer mes livres et le matériel qui m’étaient destinés. Je sentais pour la première fois qu’il était heureux de mon choix.»

Elle entre en seconde et s’intègre parfaitement au système français car «je me suis vite rendu compte que le système anglais est très livresque alors que le français est non seulement interactif mais repose aussi grandement sur l’oralité». Sa scolarité est presque parfaite, Roselyne Lebrasse-Rivet se classant toujours parmi les meilleurs de la classe.

À la fin de la première et juste après ses bons résultats obtenus à l’issue du «bac blanc», elle est d’ores et déjà proposée pour la bourse qui lui ouvrirait les portes de l’éducation universitaire. «Ce qui fait que non seulement je n’ai rien payé durant toute ma scolarité au Lycée Labourdonnais, mais également pendant toute la durée de mes études universitaires», raconte-t-elle.

Elle obtient d’ailleurs son baccalauréat qui englobe les matières classiques tout comme l’économie et le droit, avec, lui dit-on, «une moyenne hors du commun». Résultat qui confirme l’obtention de sa bourse d’études supérieures et qui lui vaut aussi une interview dans l’express sous la plume de feu Percy MacGaw. «Je me souviens que d’ores et déjà, j’évoquais en quelque sorte la définition qui devait me passionner par la suite, à savoir la criminologie. Je voulais comprendre pourquoi un individu transgresse les normes et passe à l’acte.»

Elle quitte Maurice à 19 ans pour l’université de La Réunion où elle obtient son diplôme d’études universitaires générales (DEUG) avant de s’envoler pour Paris et étudier à l’Institut de criminologie, de même qu’à l’université de Paris 2 Panthéon ASSAS. «J’étais très imprégnée des enseignements dits ‘psy’ – psychologie, psychiatrie et psychanalyse… – qui faisaient partie de toute ma formation, qui a duré six ans.» Six années qu’elle qualifie «d’années les plus vivantes» de son parcours.

Anticonformiste, elle n’hésite pas, alors qu’elle foule pendant ses vacances les rues de la capitale en compagnie de sa soeur aînée, à déambuler nu-pieds. Authentique, elle croit à fond dans le mauricianisme et se fait percer le nez et porte des vêtements asiatiques, chose impensable pour l’époque dans son milieu. À la fin de ses années d’études passionnantes, elle serait sans doute restée à Paris si elle n’avait pas rencontré un Mauricien qu’elle épouse et à qui elle donne deux fils.

De retour à Maurice, on est alors en plein marasme économique des années 80. Elle fait son pupillage à l’étude de sir Gaëtan Duval qui est un des rares «pénalistes» de l’époque à prendre des aspirants juristes comme stagiaires. «SGD m’a donné le secret des vices de procédure dans des dossiers que l’on croit bien ficelés, et le goût d’être bon juriste. Il aimait dire qu’il faut savoir se montrer bon dans tous les sens du terme… ! Autant c’était un personnage public bouillant, autant il savait être apaisant

Lorsqu’elle termine son stage, sa vie personnelle connaît des soubresauts et elle cherche un emploi. Elle doit prendre ce qui s’offre à elle. C’est ainsi qu’elle intègre l’équipe de relations publiques de Télé 7 jours puis une agence de publicité avant de finir dans les relations industrielles à la Mauritius Export Processing Zone Association aux côtés d’une autre juriste qui, comme elle, a étudié à l’université de Paris 2 Panthéon ASSAS. Il s’agit de Danièle Wong.

«J’ai cru dans cette collaboration et ensemble, nous avons fait de très belles choses car la zone franche était en plein essor. Cela a été de l’organisation des cours de formation à celle de radiocrochets, en passant par faire le tampon entre des ministres qui ne s’entendaient pas», se remémore-t-elle.

Elle y reste cinq ans avant d’être sollicitée par une agence de recrutement qui recherchait pour la Banque nationale de Paris intercontinentale une juriste de formation française ayant aussi des qualités de management pour prendre la tête de son service juridique. C’est ainsi que Roselyne Lebrasse-Rivet fait son entrée dans le secteur bancaire : «la BNPI est un établissement extrêmement structuré, composé d’un service juridique groupe important et lors des déplacements professionnels à la direction générale de cet établissement, j’ai côtoyé des gens qui ont développé en moi l’amour du droit bancaire et c’est là que j’ai compris que j’en ferai mon métier. J’ai vite réalisé que pour y arriver, il faut être autant juriste que connaître parfaitement les rouages bancaires».

Elle trouve regrettable qu’à l’époque et même aujourd’hui encore, certains ne croient pas dans cette ligne de métier. «Pour eux, il faut porter une toge pour être un bon juriste. Ils se trompent. Heureusement que les choses commencent à changer dans le milieu car nous avons été amenés à participer à des forums touchant au droit bancaire avec des praticiens tant du privé et que ceux évoluant dans le judiciaire.»

«Notre métier consiste à construire le droit bancaire au quotidian»

Sentant à un moment donné que la BNPI se fragilisait, elle approche la Mauritius Commercial Bank et est embauchée. Très vite et au vu de l’évolution de la profession bancaire, sa direction décide de mettre en place un service juridique dont la responsabilité de gestion lui est confiée. Aujourd’hui, elle coiffe une vingtaine d’employés. «Notre métier consiste à  construire le droit bancaire au quotidien : la relation juridique se crée dès qu’un client met les pieds à la banque. Nous couvrons tous les aspects juridiques des banques : cela va du mineur exerçant déjà une activité professionnelle qui souhaite se voir ouvrir un compte alors qu’il ne dispose pas encore de la carte d’identité en passant par la rédaction des documents assortissant les crédits (…). C’est un travail extrêmement passionnant qui évolue à une vitesse extraordinaire.»

Avec le temps, elle souhaite «asseoir» sa spécialité et demande une validation d’acquis auprès de la faculté de droit de l’université de La Réunion pour obtenir son doctorat en planchant sur le thème de «l’obligation d’information de la caution». Au même moment, elle rencontre les professeurs Seube et Dondero, deux juristes français, et ensemble ils décident de rédiger et de publier un manuel de droit bancaire «pour aider à l’avancement de cette ligne de métier». Ce Manuel de droit bancaire mauricien est lancé en 2012.

Avec les juristes français, elle a bien d’autres projets qui leur permettront de continuer cette collaboration. Et toujours dans l’optique de confirmer ses assises dans cette ligne de métier, elle soumet une demande pour son intégration comme membre de l’Association nationale des juristes de banque de France (ANJB) qui est très «prisée».

«J’ai pris contact avec cette association qui comprend les directeurs juridiques d’importantes institutions financières de France sans vraiment croire que j’y serai admise. À vrai dire, je croyais n’avoir aucune chance parce que je ne suis pas Française. J’avais tort.» Elle a été reçue par le président Marc de Lapérouse, directeur des Affaires juridiques de la HSBC France, et le vice-président Emmanuel Jouffin, de la direction juridique et responsable du département Veille réglementaire groupe de la banque postale.

L’ANJB est régulièrement consultée par les décideurs français par rapport à tout ce qui touche aux aspects juridiques de la pratique bancaire. Elle organise régulièrement des ateliers de travail pour ses membres. Les derniers auxquels elle a assisté portaient sur la digitalisation et la médiation en pratique bancaire.

Roselyne Lebrasse-Rivet ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Avec la collaboration des chargés de cours des facultés de droit, les professeurs Seube et Dondero, entre autres, elle projette de publier un autre ouvrage et a déjà entamé les procédures pour l’organisation des cours menant à l’obtention d’un diplôme universitaire de banque ouverts à tous ceux que le métier de juriste de banque intéresse.