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Sylvie Bonin-Guillaume: «Le vieillissement commence au début de l’âge adulte et se prépare»

30 septembre 2016, 18:16

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Sylvie Bonin-Guillaume: «Le vieillissement commence au début de l’âge adulte et se prépare»

 

Professeure de gériatrie et praticienne hospitalière à Marseille, Sylvie Bonin-Guillaume est à Maurice à l’invitation du Groupement de la Fédération internationale des associations de personnes âgées, en collaboration avec la Société française de gériatrie et de gérontologie. Dans le cadre de la Journée internationale des personnes âgées, célébrée samedi, elle animera deux conférences axées sur le vieillissement réussi dans nos sociétés.

Quels sont les défis auxquels sont confrontées les personnes âgées en France?

Le premier défi est de réaliser que le vieillissement est une évolution normale de la vie et non une maladie. Le regard des autres sur la personne âgée doit évoluer.

Le principal défi est de faire en sorte que la dépendance n’arrive pas vite et que la personne âgée reste maîtresse de son autonomie. Elle doit être acteur de son vieillissement. Le plus important est donc de retarder au maximum la survenue de la dépendance.

De quelle dépendance parlez-vous?

C’est le fait d’avoir besoin d’aide pour certains actes de la vie quotidienne, comme pour la toilette, l’habillage, s’alimenter mais aussi faire la lessive, ses courses, pouvoir sortir de chez soi. Et pour que les personnes âgées restent autonomes, elles doivent avoir des projets de vie qui les tiennent actives. Car lorsqu’elles sentent qu’elles sont un fardeau, un poids, elles se mettent en retrait. Souvent, ce repli est imposé par les autres. C’est à la société de changer son regard et de leur rendre leur utilité.

Un thème que vous abordez est les clés d’un vieillissement réussi. Comment y arrive-t-on?

Il y a des maladies que les personnes âgées peuvent éviter, comme l’ostéoporose. Et il faudrait un suivi régulier pour les maladies chroniques, comme l’hypertension artérielle et le diabète, qui, bien suivies, permettent de vivre plus longtemps.

Elles doivent aussi avoir des projets de vie, même si ceux-ci sont à court terme. Par exemple, ce qu’elles feront dans trois mois, l’anniversaire d’un petit enfant, les sorties avec les associations qu’elles fréquentent, des promenades, etc. Cela leur permettra d’avoir une qualité de vie qui persiste. Il faut aussi veiller à ce que la personne âgée reste à la maison le plus longtemps possible.

Mais la tendance internationale n’est-elle pas au placement dans des maisons de retraite?

Le placement en maison de retraite est coûteux. En France, 95% des personnes âgées vivent chez elles. Elles n’ont aucune envie de partir. Ce n’est que lorsque le maintien à domicile n’est plus possible que certaines sont obligées d’aller en maison de retraite.

Qui s’occupe d’elles lorsqu’elles restent à domicile?

Des infirmières, des physiothérapeutes, des gardes-malades, des aides à domicile. Les parents aussi. Mais pour ces derniers, c’est parfois compliqué car c’est coûteux, en temps et en argent.

De plus, les familles ne sont pas toujours au courant des bonnes attitudes à avoir. Il est indispensable que toutes ces personnes soient formées à la prise en charge des personnes âgées.

Cette prise en charge entraîne des coûts et les personnes âgées ne disposent pas forcément de retraites importantes. Qui paie la note?

En France, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est accessible aux Français de plus de 60 ans lorsqu’ils ont une dépendance évaluée à partir d’une grille spécifique ; la grille AGGIR. En fonction du niveau de dépendance, une allocation est donnée à la personne. Elle est complémentaire à la retraite.

C’est-à-dire ?

L’APA est une allocation en nature. Cela peut être des heures d’aide au ménage, de garde-malade, etc. Ce sont les conseils généraux qui financent ces aides. Mais le reste est à la charge du patient et des familles. Ce financement des conseils généraux est limité. C’est pour cela qu’il faut former les sociétés à prendre en charge les aînés et les faire aller mieux.

En France, nous avons des lois sur l’autonomie de la personne âgée et pour anticiper la perte d’autonomie. L’accent est mis sur la lutte contre l’isolement et pour que les personnes âgées se mobilisent et aillent défendre leurs souhaits et besoins auprès des autorités car on ne les écoute pas.

Ici, vous avez la chance d’avoir le Senior Citizens’ Council qui permet de faire remonter leurs besoins aux autorités mais en France, ce sont les gériatres qui sont leur porte-parole.

Quel doit être le rôle de l’Etat dans tout cela?

L’Etat est là pour insuffler les politiques sur le vieillissement. Les acteurs de terrain doivent prendre le relais. Le politique mettra en place un cadre mais ce sont les associations, les bénévoles, les travailleurs sociaux, les soignants qui doivent encadrer les personnes âgées. Pour cela, ils doivent être formés car parfois, en voulant les protéger, on ne fait pas les gestes qu’il faudrait pour qu’elles conservent leur autonomie.

Chaque pays doit chercher ses réponses. En France, des lois ont été mises en place. Récemment, il y a eu le projet PAERPA, c’est-à-dire parcours des personnes âgées à risque de perte d’autonomie, qui a pour objectif de coordonner les acteurs de terrain professionnels autour de la personne âgée sur un territoire limité, comme un quartier, un village, etc. Le but est de répondre aux besoins et aux attentes des personnes âgées mais aussi de limiter les coûts de la dépendance, en permettant un maintien à domicile prolongé et d’améliorer la qualité de vie. Nous avons démarré cela en 2013 ; il est trop tôt pour parler de résultats.

A quel âge doit-on commencer à préparer son vieillissement?

Le vieillissement commence au début de l’âge adulte, vers 20 à 25 ans, et se poursuit dès lors. A chaque âge, ses étapes : les lunettes à 40 ans, la ménopause à 50 ans, la surveillance de l’hypertension artérielle et du diabète qu’il faut éviter et traiter lorsque ces maladies chroniques sont installées, prévenir les cancers en arrêtant le tabac et l’alcool, favoriser toutes les conditions qui permettent de vivre plus longtemps et de façon autonome.