Publicité

Poste-de-flacq: la pêche aux huîtres pour Rosemay Latiou, un art de vivre

30 août 2016, 09:34

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Poste-de-flacq: la pêche aux huîtres pour Rosemay Latiou, un art de vivre

Ça fera bientôt 50 ans que Rosemay Latiou fait de la pêche aux huîtres sauvages sa profession. À 66 ans, Rosemay ne veut pas entendre parler du mot «retraite». Elle raconte à quoi ressemblent ses journées pendant la période de récolte, qui a commencé en avril et prend fin en septembre.

Il est cinq heures. Le soleil pointe timidement le bout de son nez. Le vent marin honore les lève-tôt de sa présence glaciale. C’est à cette heure que, depuis début avril, Rosemay Latiou se réveille pour aller à la pêche aux huîtres. La tête enfoncée dans un bonnet épais et le corps emmitouflé dans un «gro palto lalaine», c’est munie d’une griffe à dents, d’un marteau et d’un haveneau que Rosemay brave l’eau glacée de Poste-de-Flacq comme si qu’elle était immunisée. Après si longtemps, c’est un peu ça le sentiment qui l’habite : «Monn habitie.»

Sur son pédalo qu’elle appelle «ti-bato pédaler», aidée de son ami Guy, avec qui elle travaille depuis une dizaine d’années, elle pédale jusqu’à une de ses «ti baz». Ce pédalo, elle ne l’a que depuis sept ans. Avant ça, c’est à pied qu’elle sillonnait le lagon. Depuis qu’elle a investi dans son «ti-bato pédaler», elle ne peut plus s’en passer. Pas seulement parce que c’est plus facile pour ses déplace- ments mais surtout parce que c’est sa façon à elle de faire de l’exercice et se maintenir en forme. Elle affectionne particulièrement l’air salin, certes, mais surtout l’air frais du matin qu’elle apprécie d’autant plus quand elle n’a pas besoin de regarder où elle met les pieds. Son pédalo fend l’eau en provoquant quelques vagues. Rosemay, maniant le petit gouvernail, lève la tête et sourit. «Sa enn joli ti lavi», estime-t-elle satisfaite.

Dose de camaraderie

On s’arrête là à côté des rochers, là où le niveau de l’eau de mer est bas. Elle descend et s’attaque tout de suite à un rocher à l’aide d’une pique et d’un marteau. Comment sait-elle que sous ce rocher se trouvent ses précieux mollusques ? «Apre 50 ans ou konne sa. Ki ena labou, goëmon…mo pou konne mwa», explique-t-elle, «mais bizin fer attention avec marteau la, si mo abîme zuit la mo pou bizin zet li.»

Elle procède ainsi jusqu’à ce que la marée le lui permette, passe le lagon et ses rochers au peigne fin. C’est vers 9 heures qu’elle s’arrête le plus souvent. Ce qu’elle déplore par contre, c’est qu’en 50 ans de métier, le nombre d’huitres ait diminué. «Dimounn tir zuit la tro boner ek pa donn li asse le temps vinn gro. Zot rod la pes mem dan basse saison», explique-t-elle.

C’est «dan contour Bras d’eau» que Rosemay vend ses huîtres aux plus offrants. Du moins quand il lui en reste. Car depuis le temps, Rosemay s’est fait connaître et c’est souvent les clients qui viennent à elle. En effet, la clientèle de Rosemay est éparpillée dans l’île – de Souillac à Pointe-aux-Sables -, ce ne sont plus seulement les huîtres que recherchent les clients mais aussi une dose de camaraderie. Et puis, il faut le dire, en huîtres, Rosemay s’y connaît et on peut lui faire confiance. Exhibant différents types d’huîtres, elle nous explique avec zèle que «sa bann la, se bann zuit creuses, bann premie swa sa, li Rs10-15 depann zot grosseur. Si ress zuit apre la vente, mo pou bizin garde li dan lamer pendant la zourné pou li garde delo». N’est-elle pas inquiète qu’on lui vole son gagne-pain ? «Ici tou dimounn konn moi. Si ena voler, zot pou konne mo base sa e dimounn pou téléphonn mwa pou prevenir mwa !»

Bien que ce soit avec ce boulot que Rosemay ait élevé ses quatre enfants, de nos jours, la pêche aux huîtres n’est plus seulement un boulot pour elle. C’est devenu un style de vie.

La sexagénaire est aidée de son ami Guy (à dr.), avec qui elle travaille depuis une dizaine d’années.