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Questions à... Blakkayo : le fan promu «général»

29 août 2016, 15:20

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Questions à... Blakkayo : le fan promu «général»

 

De membre du fan club à maillon fort d’Otentik Street Brothers (OSB), puis «général» pour les jeunes «soldats» qu’il encadre, Blakkayo a tracé sa route. Populaire en solo, il lui manque pourtant «enn lafors», celle d’OSB, «la base de tout». Le groupe remonte sur scène le samedi 3 septembre, après dix ans d’absence.

Que cachez-vous derrière ces lunettes de soleil qui ne vous quittent jamais ?

Mo éna enn mari gro problem. Mo pa kontan get dimounn dan lizié. Je suis gêné. Quand je porte des lunettes, personn pa bizin koné kot sa mo pé gété (sourire). C’est devenu mon style. Éna dimounn pa remark mwa san mo linet.

 

OSB remonte sur scène après dix ans. Vous avez fait une carrière solo et avez créé d’autres groupes. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’OSB pour vous ?

 C’est Linzy (NdlR, Linzy Bacbotte) qui m’a appelé pour me demander ce que je pensais d’une réunion du groupe OSB. Cela m’a super intéressé. Nou finn tir boukou zenn dan mové simé. Nous les encouragions à faire de la musique. Depuis que nous ne sommes plus là, zot tou kouma dir inn perdi simé, sirtou avek sa bann sintétik ki pé déroulé la.

Seul, ces messages n’ont pas la même portée ?

 C’est vrai, j’ai continué le combat. Mais avec OSB, c’est autre chose. J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai créé Solda Kas Bad et Solda + Mwadka pour rassembler encore plus de jeunes. OSB, c’est une grosse machine. Avec les concerts Reggae Donn Sa, on a eu 15 000 personnes.

 

Avec un tel palmarès, OSB se retrouve à fêter ses retrouvailles dans l’amphithéâtre de Mahébourg…

Péna baz, inn rodé partou. Linzy inn fer tou kalité démars. On voulait le stade Anjalay. Rien que pour le parking, le prix est exorbitant. Certains ont dit que notre public, c’est des fumeurs de gandia, pa pou kapav. Le ministère des Arts et de la culture n’a pas vraiment un lieu de concert. Le J&J Auditorium, sé pa so plas. On va à Mahébourg parce qu’on n’a pas le choix.

 

OSB a-t-il un leader ?

Sé Jah, Jah nou leader.

Sur le plan matériel ?

 Comme c’est Bruno Raya le plus ancien, c’est lui qui dirigeait.

Aujourd’hui encore ?

Il faut que tous les quatre disent oui. Sa vé dir nou tou kontrol zafer la aster.

Dans «Bati sur le roc», sorti en 2003, vous chantez : «Péna Blakka san Kool B, Pas de Kool B sans Blakkayo.» C’est toujours vrai ?

Quand Bruno a eu besoin de moi, j’ai répondu présent. Quand j’ai eu besoin de lui, il a répondu présent.

 

Vous avez créé de nouveaux groupes. Vous préférez être un leader des jeunes ?

 Je me considère comme un professeur. J’ai accumulé des expériences, j’ai fait des tournées, j’ai côtoyé beaucoup d’artistes… C’est tout ça que j’ai envie de partager. Aster la bann Bruno zot éna zot prop responsabilité, pa koné ki zot pé fer.

 

Gagnez-vous votre vie grâce à la musique ?

 Je vis de la musique. À Maurice, ce n’est pas évident. La ousi mo pa pé gagn gro kas. Si je vivais en France, j’aurais gagné plus avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. J’ai fait trois albums (NdlR, Tchek to life, 2000 ; Xterminator, 2003 ; Love N Respect, 2009) et ils ont bien marché. Même si je ne fais pas souvent d’albums, j’ai la chance que mon téléphone sonne toutes les semaines. Parfois, c’est pour chanter dans un bal. J’y vais parce que c’est mon métier. Quand l’album de Kas Bad est sorti, on a eu des demandes. J’ai aussi fait un concert à Roche-Bois. Le DVD du concert a redonné envie aux gens de me voir. Kouma dir monn rélev zot memwar.

 

Un DVD qui a été piraté ?

 Sa dan Moris pa kapav anpesé sa. (Il rit).

 

Vous préférez en rire ?

 Je suis toujours en colère. Dan Moris, lotorité pa koné sipa éna. Regardez ce qui est arrivé à Boyzini, Michel Nany et les autres l’an dernier. Ce sont des policiers que l’on accuse d’avoir brutalisé des artistes. Ki kalité lager pou al lager ankor ? Quand je pense à la Rights Management Society (NdlR, RMS ; ex-MASA), cela me décourage.

Que reprochez-vous à l’ex-MASA ?

 Monn tann minis dir éna tan kas, tou dimoun ti pou korek. Je n’ai eu que Rs 20 000 pour la tranche de droits d’auteurs payée en avril 2016. On nous a dit que c’était la somme pour deux ans. Mo pa konpran kouma inn kont sa. Quand j’ai voulu en savoir plus, on m’a dit qu’une autre tranche serait payée en juin. Cela a été renvoyé à août et nous sommes déjà à la fin du mois. Il y a autre chose que je ne comprends pas. J’ai écrit des morceaux pour des artistes en Allemagne, en Pologne, en Suisse. Mo kas bizin vinn RMS. Quand je leur en ai parlé, ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas au courant. Il y a une quantité de gens qui travaillent à la RMS ; je me demande ce qu’ils font. Les ministres avaient dit que les artistes vivraient mieux mais en fin de compte, on n’a eu que des miettes.

Vous suivez la politique ?

Non. Latet fermal ar sa. Il y a d’autres artistes qui y sont à fond. Mwa mo la pou swiv zot. Vous devez être assez intelligent. Mwa monn fer zis Form III.

C’est un problème de n’avoir fait que la «Form III» ?

Je suis un artiste, j’écris des morceaux. Je ne vais pas quitter ça pour me battre contre les politiciens. Il y a des artistes qui ont l’expérience pour faire ça. Je vais les suivre.

 

Blakkayo, leader des groupes de jeunes, un suiveur ?

La ou pé met enn lot palto lor mwa la (rires). Je ne suis pas là pour me battre contre les ministres. Il y a d’autres artistes qui savent le faire, je les soutiens. Pli intelizan ki mwa pann rési.

C’est un regret d’avoir arrêté l’école en «Form III» ?

 Ce sont les circonstances de la vie. Je voulais travailler pour aider ma famille. J’ai fréquenté deux collèges. J’ai fait la Form I et II au Trinity College, à Port-Louis, avec Alain Ramanisum. En Form III, je suis allé au Friendship College, à Goodlands. J’ai arrêté l’école pour suivre un cours en électronique. Monn dir mo bann fami aret gaspiy zot kas, mo pa pou aprann. Ils m’ont dit d’apprendre un métier. J’en ai appris plusieurs mais je ne sais rien faire de tout ça.

 

Partout où je suis allé, je ne suis resté que trois ou six mois. Monn fer manev mason, pint loto, boulanzé (il rit). Après, je suis rentré dans la musique à l’âge de 15 ans. J’y suis encore. J’ai rencontré des artistes qui m’ont aidé. J’ai commencé dans le fan club d’OSB. J’ai rencontré Bruno, puis Natir, George Corette (NdlR, arrangeur musical décédé), ala Mario mem (NdlR, Mario Justin est dans le salon de Blakkayo pendant l’entretien). Avec Zot Sa, j’ai rencontré le guitariste Chris Joe.

Dans deux ans, vous aurez 40 ans. Qu’est devenu le jeune du ghetto ?

Tant qu’il y aura des jeunes qui auront envie de m’écouter, je continuerais. Même quand j’au- rais 60 ans, ce n’est qu’un chiffre. S’il faut arrêter pour faire d’autres choses dans le domaine musical, comme devenir un producteur, je le ferais.

Vous êtes plus apaisé aujourd’hui ?

Avant, j’avais beaucoup de rage en moi. Maintenant, j’ai surtout envie d’éduquer les jeunes. Je suis soulagé quand j’arrive à les tirer d’une mauvaise passe, en leur apprenant à jouer de la guitare, à chanter. Éna enn ti minn monn larg li. Elle s’appelle La Nikita. Elle a fait un morceau avec Lin. Ce sont mes soldats. Notre combat, c’est la musique. Soldat, c’est aussi pour la discipline. Sans discipline, on ne peut rien faire.

Qu’est-ce que vous n’admettez pas de vos soldats ?

 Qu’ils désobéissent à mes dix commandements. (NdlR, les dix commandements de Soldat Kas Bad sont écrits sur le mur du salon. On y fait référence à Blakkayo sous le nom de «général»)

                                       

Il faut vous appeler général ?

Je ne me suis pas autoproclamé «général». Ce sont les soldats qui m’ont donné un ti nom gaté.

Vous l’aimez ?

Oui, parce que c’est moi qui impose la discipline.

Quelles sanctions prenez-vous ?

Met déor.

Direct ?

 Il y en a qui parfois disent qu’ils ne vont pas recommencer. Je leur donne une chance.

Vous n’avez pas peur que les jeunes prennent votre place ?

 Mo anvi zot dépas mwa. J’ai envie que la musique mauricienne soit reconnue au niveau international. Même si ce n’est pas grâce à moi. Je suis un patriote.

De quoi d’autre avez-vous envie ?

 Il manque beaucoup de facilités pour faire de la musique. Je n’ai pas de studio. Dans la famille, je suis l’aîné. Mon père et ma mère sont décédés. J’ai ma vie personnelle. Nous vivons à six avec mes frères, ma sœur et les enfants. Parfois, ils ont des problèmes au boulot. Pour moi, c’est normal d’être responsable de la famille. Si j’avais un studio, cela aurait été plus simple de travailler avec tous ces jeunes qui viennent me voir. Je leur aurais expliqué comment poser un riddim. Je les emmène chez Elvis (NdlR, Elvis Heroseau et son studio à Petite-Rivière). Certains n’ont jamais mis les pieds dans un studio. Il faut commencer à zéro. Bizin fer doub travay.

Est-ce que OSB revient aussi pour des raisons commerciales ?

Personnellement, lespri-la pa koumsa. Mem si pé kas difé avek Kas Bad, OSB c’est une force. Cela m’a toujours manqué ; c’est là que j’ai commencé. À l’intérieur de moi, je suis toujours un fan d’OSB. C’est un peu bizarre. En même temps, il faut bien vivre. Si bann Bruno pou dir mwa vini pou fer zis konba, zot pa pou pey mwa, mo pou dir zot non. J’ai des factures comme tout le monde.

Vous êtes membres d’OSB. Comment rester authentique ?

Je suis déjà authentique. Mo éna mo nidé. Ma couleur musicale, ma voix… Je ne ressemble à personne. Mwa mo orizinal.