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Pr Anba Soopramanien : «Rendre un peu de ce que j’ai reçu aux gens qui ont des problèmes»

27 août 2016, 21:00

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Pr Anba Soopramanien : «Rendre un peu de ce que j’ai reçu aux gens qui ont des problèmes»

 

Il y a tout un service qui fait défaut à Maurice pour les blessés à la colonne vertébrale, les traumatisés crâniens et les personnes ayant fait un accident vasculaire cérébral. Le Pr Anba Soopramanien, qui s’est spécialisé en rééducation pour ce type de complications à l’étranger, essaie de mettre sur pied des structures de rééducation spécialisée à Maurice.

«Quels que soient les moyens économiques ou l’origine ethnique d’un individu qui souffre, celui-ci a droit à de la compassion et aux soins appropriés.» C’est cet état d’esprit qui habite le  Pr Anba Soopramanien et qui l’incite à vouloir se faire l’intermédiaire entre le ministère de la Santé et l’université de Bournemouth, où il agit comme Visiting Professor, ou auprès de toute autre instance britannique disposée à aider Maurice à améliorer le sort des handicapés neurologiques.

Ce fils de l’ancien secrétaire financier Devarajen Soopramanien a grandi à Port-Louis. C’est au collège Royal de la capitale qu’il a fait ses études secondaires. S’il décide d’étudier la médecine, c’est parce que dans sa famille on cultive la compassion et deux de ses cousines sont médecins. C’est auprès des universités de Bordeaux, d’Amiens et de Paris qu’il obtient ses diplômes en médecine et en rééducation des blessures médullaires, soit celles à la colonne vertébrale.

Or, c’est en Grande-Bretagne que le professeur décide de poser ses valises pour travailler avec des équipes de rééducation. Embauché par la Croix Rouge Internationale, il est pendant trois ans affecté à un centre de rééducation neurologique à Peshawar au Pakistan. Là, il soigne les soldats afghans qui ont subi des blessures à la colonne vertébrale ou qui ont sauté sur une mine antipersonnel. Il est ensuite envoyé en Roumanie après la révolution, où il n’existe aucune structure de rééducation convenable pour les blessés et autres amputés. De plus, dans ce pays, les fauteuils roulants sont rares. Il contribue avec l’organisation non gouvernementale anglaise Motivation UK, qui fabrique des fauteuils roulants, à former le personnel local en rééducation et même ouvrir une branche locale.

Le Pr Anba Soopramanien reste trois ans dans ce pays. Sentant que ces affectations sont au détriment de sa vie de famille, il regagne la Grande-Bretagne où il doit recommencer à zéro. Il est embauché dans le centre de rééducation de l’hôpital Stoke Mandeville à Aylesbury, «là où la médecine médullaire a pris naissance avant de se propager à travers le monde». Par la suite, il est chef de service dans le centre de rééducation de Salisbury District Hospital avant de regagner Aylesbury et occuper un poste de spécialiste de rééducation au Royal Bucks Hospital. Actuellement, il fait de la recherche auprès de l’université de Bournemouth sur l’E-Health, c’est-à-dire utiliser les nouvelles technologies pour atteindre les patients qui habitent loin du centre de rééducation.

Le professeur explique que sa spécialité s’est diversifiée pour inclure la rééducation aux traumatisés crâniens et aux personnes ayant fait un accident vasculaire cérébral. Ayant passé ses vacances à plusieurs reprises à Maurice, il sait qu’un centre de traumatisme a récemment été mis sur pied à l’hôpital Victoria, Candos, mais une fois les soins d’urgence prodigués à la personne qui a une complication aigüe à la colonne vertébrale et qu’elle est hors de danger, elle est autorisée à regagner son domicile où elle végète. «Si elle souffre d’une cassure au niveau des cervicales, cette personne ne pourra rien faire en dessous du cou et souffrira de paralysie sensorielle et motrice. Ses articulations deviendront dures et toutes ses fonctions inférieures comme uriner ou déféquer, avoir des rapports sexuels, seront atteintes. Et le fait d’être immobilisé finira par lui causer des escarres.» Il estime que le nombre de Mauriciens souffrant de blessures médullaires est entre 500 et 1 000.

Ce type de blessures peut aussi être causé par une tumeur logée dans la colonne vertébrale ou encore par une infection comme la tuberculose. Ces cas nécessitent une rééducation menée par une équipe pluridisciplinaire. Une telle rééducation ne se fait pas à Maurice.

Le professeur Soopramanien fait aussi valoir que l’incidence des traumatismes crâniens est élevée dans l’île, soit environ 500 cas par an. Devant notre étonnement, il parle de traumatismes crâniens minimes, c’est-à-dire un enfant ou un adulte faisant une chute d’un trampoline ou d’une balançoire et qui après examen clinique, n’a pas de lésions crâniennes. Mais au fil du temps, il oublie des choses et ses performances scolaires ou professionnelles sont affectées. «C’est l’entourage qui finit par réaliser qu’il y a un problème. Cette complication doit être traitée par une équipe multidisciplinaire. Et l’enfant ou l’adulte peut s’aider avec des aide-mémoire. Les cas moyens sont les traumatismes résultant d’un accident de la route, d’une chute lourde occasionnant une hémorragie méningée. Des états affectant les fonctions sensorielles et motrices, avec parfois des pertes de la déglutition nécessitant la pose de sondes alimentaires. De tels cas doivent aussi être traités par une équipe multidisciplinaire où les spécialistes travailleront en tandem pour que le malade regagne sa dignité et une certaine forme d’autonomie

 

<p><strong>&laquo;Ce dont ces patients ont besoin, ce n&rsquo;est pas de la pitié mais de la compassion.&raquo;</strong></p>

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Les cas les plus sévères de traumatismes crâniens ne peuvent être traités en ambulatoire mais être admis dans un centre car les lésions sont telles au niveau de la structure frontale qu’il y a désinhibition et un comportement totalement irrationnel. «Ces patients doivent également être traités par une équipe multidisciplinaire. Il y a beaucoup de choses qui existent à Maurice, mais il faut peut-être de la coordination. À Maurice, j’ai rencontré plusieurs infirmiers, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, orthophonistes, mais chacun travaille de son côté

Le Pr Soopramanien dit avoir profité de cette visite pour rencontrer les fonctionnaires du ministère de la Santé et même le ministre. Tous seraient très favorables à la formation du personnel local en rééducation des blessures médullaires et autres traumatismes crâniens et il se voit bien faire l’intermédiaire entre le ministère et une université ou autre organisation étrangère.

Pour que tout soit transparent, il insiste pour que cette coopération se fasse dans le cadre de la signature d’un Memorandum of Understanding. Dans cette optique, il fait actuellement enregistrer une organisation, la Neuro-Rehabilitation Action Mauritius (NERAM) qu’il présidera et qui aura des discussions non seulement avec le ministère de la Santé mais aussi avec les personnes de bonne volonté à l’étranger ou à Maurice. D’ailleurs, la Chinmaya Mission Mauritius, pour laquelle il a animé une causerie jeudi, a mis à la disposition de NERAM un terrain «pour des actions futures d’ordre neurologique et pourquoi pas la construction d’un centre de rééducation neurologique. Des étapes intermédiaires pourraient inclure le soutien à la famille, qui pourrait être formée aux principes  de la rééducation.»

Appelé à évoquer sa motivation, il dit qu’elle est simple. «Je suis Mauricien, j’ai réussi mon éducation secondaire à Maurice. J’y reviens souvent et j’y ai encore des proches. Je veux rendre un peu de ce que j’ai reçu aux gens qui ont des problèmes. C’est un devoir civique, humanitaire et patriotique. Avant de partir étudier, je m’étais dit qu’un jour, je ferai de la politique. Mais j’ai abandonné l’idée car la médecine de rééducation est un carrefour entre la médecine de pointe et l’action sociale et elle me procure une immense satisfaction.»

Le message qu’il a adressé à l’assistance jeudi 25 août est qu’il y a eu énormément de progrès réalisé dans le domaine de la santé à Maurice. «Mais la prise en charge après le stade aigu laisse à désirer. Il y a une prise en charge scientifique à faire à ce niveau et il faut de l’aide au niveau médical ou chirurgical. Ce dont ces patients ont besoin, ce n’est pas de la pitié mais de la compassion et de l’aide pour qu’ils retrouvent leur dignité et une certaine autonomie. Tout ce qui va dans le sens de leur réintégration sociale doit être favorisé. Il ne faut pas oublier que si la rééducation réussit, le patient paie ses impôts. Finalement, il faudrait que Maurice honore ses engagements envers les personnes handicapées en rendant tous les espaces, publics comme privés, accessibles pour eux. Ce sont des citoyens comme tous les autres.» Il dit souhaiter qu’il n’y ait pas de cloisonnement et que toutes les forces sociales se regroupent et mettent en place cette structure qui sera utile à tous les Mauriciens.