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Jason Soobrayen: «Je préfère être un patriote plutôt qu’un fanatique en politique»

30 juillet 2016, 18:08

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Jason Soobrayen: «Je préfère être un patriote plutôt qu’un fanatique en politique»

Il a démissionné de toutes les instances du MSM, le 22 juillet. C’est sur Facebook que ce cadre du secteur des télécommunications a fait part de sa décision. Dans un entretien accordé à l’express mercredi, Jason Soobrayen soutient que le développement de Maurice est plus important à ses yeux que n’importe quel politicien ou parti politique.

Pourquoi avoir claqué la porte du MSM quelques jours avant la présentation du Budget 2016-17?

J’ai décidé de recentrer mes convictions autour des valeurs qui me sont chères, au lieu de soutenir quelques politiciens qui s’engraissent sur le dos du peuple et qui n’ont qu’un très maigre bilan à présenter. Je préfère être un patriote plutôt qu’un fanatique politique, sans objectivité. Mes principes, mon intégrité et le sort de mon pays sont plus importants que n’importe quel politicien ou n’importe quel parti politique.

Aucun Mauricien sensé, sincère et responsable ne peut être satisfait de l’état économique et social de notre pays aujourd’hui. La situation est grave et l’indifférence de tout un chacun l’est encore plus. Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont fait l’honneur de leur soutien ou de leur amitié pendant mon passage au MSM.

Mon choix est purement politique et ne remet nullement en question les relations que j’ai nouées avec certains membres du parti. J’ai démissionné de toutes les instances du parti.

Vous avez adressé une lettre à la direction du MSM. Quelles sont les raisons évoquées?

Les raisons sont celles que j’ai postées sur ma page Facebook. Elles se lisent comme suit:

«À l’aube du 20e mois du mandat actuel de l’alliance Lepep au gouvernement, force est de constater que le MSM, en tant que parti majoritaire du présent régime, a choisi de privilégier des stratégies douteuses au lieu de se cantonner à la concrétisation du programme électoral pour lequel il a été plébiscité en décembre 2014; occasionnant par la même occasion une stagnation économique palpable et une méfiance grandissante de la population à l’égard d’un régime hagard et sans direction définie.

En effet, il est inquiétant de constater que des 12 mesures prioritaires proposées dans le programme électoral de l’alliance Lepep uniquement 4 sont en vigueur aujourd’hui. Le manque d’efficience au sommet de l’État occasionne une somnolence nationale qui impacte négativement et directement la productivité nationale et subséquemment le progrès initialement promis au peuple. Peu à peu, la perception que le slogan Viré Mam et les propositions préélectorales de 2014 n’étaient qu’un funeste coup de marketing creux et dénués de sincérité se renforce.

Les recrutements douteux, comme ceux au sein de l’Independent Broadcasting Authority, n’ont fait que renforcer ce sentiment. De plus, les tensions internes qui existent toujours au sein du gouvernement et du MSM n’aident absolument pas à établir une confiance durable et réelle entre le peuple, les investisseurs et le gouvernement. En 20 mois, le MSM et l’alliance Lepep ont prouvé qu’ils peuvent être aussi incompétents et irresponsables que le précédent régime, sinon pire. Les maîtresses sont favorisées, la famille passe avant tout et la méritocratie est balancée à la poubelle au profit d’un clan restreint et sélectif.

Les raisons détaillées ci-dessus sont les principales qui motivent aujourd’hui ma décision de me retirer du MSM afin de retourner parmi le peuple pour qui le second miracle économique semble être un mirage tragique. Je suis fier de pouvoir dire que j’ai donné le meilleur de moi-même pour ce parti et ce pour quoi je pensais être bon pour mon pays sans jamais demander ou accepter quoi que ce soit en retour.

Cependant, il est dommage que mon adhésion au parti ait confirmé mon impression que, dans le paysage politique mauricien, les visages et les symboles sont différents mais la politique et l’appétit du pouvoir totalitaire sont les mêmes. L’île Maurice mérite mieux. J’espère vivement pour mon pays que le Budget que vous vous apprêtez à présenter me donnera tort, même si je doute fort qu’il effacera les nombreuses bévues qui entachent en ce moment ce gouvernement. Un Budget peut changer la direction économique mais il ne peut acheter les valeurs et la moralité que le MSM a choisi de sacrifier au nom du pouvoir.»

Donc, quittez-vous la politique active ou est-ce seulement une décision temporaire?

C’est difficile de dire si je vais retourner dans la politique active. En tout cas, si les choses se présentent à ma façon, cela ne se produira pas au sein des grands partis politiques tels que le MSM, le MMM, le PTr ou le PMSD. Ils sont pareils.

En fait, j’ai utilisé le réseau Facebook pour annoncer ma démission car c’est à travers les télécommunications que je me suis fait connaître.

Je ne vais pas pour autant dévoiler la stratégie du parti en termes de communication. J’ai utilisé les réseaux sociaux pour qu’il n’y ait pas de rumeur sur les raisons de ma démission.

Je m’attendais à ce qu’il y ait des réactions négatives à mon égard car je suis en train de quitter un parti au pouvoir. Mais il n’en a rien été. Beaucoup de gens m’ont félicité pour mon courage. Je ne préfère pas m’engager dans l’immédiat dans la politique active. Je préfère me focaliser sur ma profession. Si on veut encourager les jeunes à faire de la politique, je répondrai présent. Mais si c’est juste pour figurer au sein d’un parti, je ne serai pas partant.

Quel regard portez-vous sur l’avenir des jeunes à Maurice?

Il y a de l’avenir pour les jeunes à Maurice sur le plan professionnel. D’ailleurs, ici, nous sommes en sécurité. Avec les nombreux attentats répertoriés par les médias à travers le monde, cela fait peur. Je pense que c’est tout le système éducatif qui doit être revu pour mieux assurer l’avenir des jeunes. Le monde évolue très vite. Ces 20 dernières années, un seul nouveau secteur a été créé: l’externalisation. Sans celui-ci, beaucoup de jeunes seraient au chômage aujourd’hui.

Le gouvernement veut que Maurice devienne un Bunkering Hub dans la région, mais il n’y a pas de main-d’œuvre qualifiée pour ce secteur. De secteurs innovants, il n’y en a point. Jusqu’à maintenant, on n’a pas vu émerger un secteur spécialisé dans le recyclage des matériaux informatiques. On parle sans cesse de l’économie bleue, mais il n’y a rien de concret, notamment dans l’enseignement supérieur. Cela fait dix ans que j’entends qu’on va développer l’économie bleue pour créer de l’emploi.

Mais lorsque la frustration chez les jeunes va faire surface, ils iront certainement à l’étranger pour trouver du travail. Là où les métiers liés au design et à la peinture rapportent gros.

Pourquoi ne croyez-vous pas au second miracle économique?

Il y a une perception générale que le second miracle économique annoncé n’aura pas lieu. J’ai comme l’impression que cette perception est devenue grandissante depuis que la croissance économique a commencé à prendre du plomb dans l’aile dans le sillage de l’affaire BAI. C’est un conglomérat qui s’est écroulé et cela a eu des impacts économiques conséquents. L’écroulement de la BAI a eu des impacts sur Courts, Iframac ainsi que sur d’autres secteurs économiques. Il n’y a pas suffisamment de croissance pour pouvoir créer de l’emploi.

Il y a aussi la perception que la méritocratie est quasi inexistante au sein de nombreuses institutions du pays. Ceux qui sont à l’étranger suivent tous les jours l’actualité de Maurice et c’est peut-être aussi l’une des raisons qui expliquent pourquoi l’investissement venant de l’extérieur est en train de ralentir.

Dans le dernier Budget, le gouvernement avait annoncé la création des smart cities alors que la majorité d’entre elles sont l’œuvre du secteur privé. Il n’y a que Heritage City qui est un projet du gouvernement. Là encore, on a promis aux Mauriciens que les premiers coups de pioche auront lieu en août 2016. Attendons voir. On n’a pas beaucoup avancé jusqu’à présent…