Pedro Pablo Kuczynski, un ancien banquier de Wall Street élu à la tête du Pérou en juin contre Keiko Fujimori, fille de l’ancien président Alberto Fujimori (1990-2000), prend ses fonctions jeudi avec l’ambition de relancer un pays qui tourne au ralenti.

Depuis sa victoire dans un mouchoir de poche, par un peu plus de 40.000 voix d’écart, celui qui est surnommé «PPK» a déjà dévoilé un gouvernement au profil technocratique et a lancé des passerelles vers les différentes forces politiques.

Le Pérou est un des champions de croissance d’Amérique latine grâce à sa richesse historique en ressources naturelles (minerais), mais la pauvreté et les inégalités restent tenaces.

Son économie a sensiblement marqué le pas ces dernières années, sous la présidence Ollanta Humala (gauche), passant d’un taux de croissance annuel de 6,5% en 2011 à 3,3% l’an dernier.

M. Kuczynski, 77 ans, s’est donc fixé la mission de remettre l’économie du pays sur pied, en relançant des projets miniers paralysés, de réduire la pauvreté qui frappe 22% des Péruviens et de combattre l’insécurité dans les villes.

«Le principal défi est le manque de services de base pour 30 à 40% de la population. Il n’y a pas de collèges, de sécurité pour les citoyens, d’eau potable ou d’accès aux hôpitaux. C’est ça, et le côté informel du monde du travail et de l’entreprise, qui retarde le développement», a déclaré le président élu, qui promet une «révolution sociale».

Mais pour réformer, ce vétéran de la politique péruvienne qui a déjà été Premier ministre devra s’assurer du soutien du parti de Keiko Fujimori, qui a obtenu 73 des 130 sièges au Congrès. Le parti présidentiel ne compte, lui, que 18 députés.

«L’élection a été polarisée et il y a un pourcentage de gens qui éprouve de la sympathie pour le Fujimorisme. Il va avoir besoin du soutien de la société pour mener à bien ses réformes, d’autant qu’il ne détient pas la majorité au Congrès», a déclaré à l’AFP le directeur du cabinet Vox Populi, Luis Benavente.

Pays divisé 

Le «Gringo», comme il est aussi surnommé, aura besoin de toute son expérience pour tenter de réunifier un pays profondément divisé par l’héritage d’Alberto Fujimori.

Pedro Pablo Kuczynski prend les rênes du Pérou après une victoire étriquée face à Keiko Fujimori, 41 ans, dont le père est emprisonné pour crime contre l’humanité et corruption.

Dés son arrivée, «PPK» héritera de ce dossier délicat, lui qui a été élu notamment grâce aux voix des opposants au Fujimorisme, alors que les partisans de l’ancien président ont récemment défilé en rappelant la lutte qu’il avait menée contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux.

Le futur président, qui écarte toute grâce, s’est déclaré lundi favorable au placement en résidence surveillée de l’ex-chef de l’Etat, qui purge une peine de 25 ans. Cette annonce intervient trois jours après qu’Alberto Fujimori, 77 ans, a déposé une demande de grâce auprès du ministère de la Justice.

Phrasé posé, cheveux gris et fines lunettes, cet habitué des costumes-cravates a beaucoup travaillé pendant la campagne pour se défaire de son image élitiste et se rapprocher des Péruviens les plus pauvres, qui le connaissent peu.

Sous ses airs austères, il a choisi un «cuy» géant (cochon d’Inde), animal traditionnel du Pérou, comme mascotte durant sa campagne. Celle-ci a hérité du sobriquet de «PPKuy».

Ce concertiste de haut niveau n’a pas non plus hésité à jouer de la flûte traversière sur les estrades, au côté de la peluche à taille humaine de ce rongeur, ni à enfiler un poncho ou un chapeau traditionnel des Andes.

Toujours au chapitre artistique, M. Kuczynski est marié en secondes noces avec Nancy, une Américaine qui est la cousine de l’actrice de Hollywood Jessica Lange, détentrice de deux Oscars.

Mais les liens du nouveau président péruvien avec le monde du cinéma ne s’arrêtent pas là: de mère franco-suisse, il est le cousin du réalisateur Jean-Luc Godard.