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JO-2016: en Tunisie, les exploits au rugby s’écrivent au féminin

24 juin 2016, 20:39

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JO-2016: en Tunisie, les exploits au rugby s’écrivent au féminin

 

Elles s’appellent Amani, Houyem ou Omayma, et pourraient offrir à la Tunisie une qualification inattendue pour les Jeux Olympiques de Rio: dans ce petit pays d’Afrique du nord où le football est roi, les exploits au rugby s’écrivent au féminin.

Alors que le rugby à VII est pour la première fois au programme olympique, la sélection tunisienne, une des trois meilleures du continent avec l’Afrique du Sud et le Kenya, dispute ce week-end un tournoi qualificatif en Irlande.

La tâche s’annonce rude, mais les championnes d’Afrique 2012 veulent croire en leurs chances.

«Pourquoi pas? Les équipes qui iront aux JO ne sont pas mieux que nous!», s’exclame la capitaine Amani Gharbi (22 ans). Légèrement blessée, la jeune femme observe ses coéquipières enchaîner les séances sous l’écrasant soleil de juin.

«Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour ça (...). Nous nous sommes beaucoup éloignées de nos foyers», relève-t-elle.

Originaire de Kairouan, ville conservatrice du centre du pays, cette élégante joueuse symbolise le parcours atypique de nombre de ses coéquipières, au sein d’une sélection dont les performances sont sans égal dans le monde arabe.

Si la création de la Fédération tunisienne de rugby remonte à 1971, la section féminine n’a vu le jour qu’en 2002. Amani Gharbi appartient à la première génération, venue d’autres sports, au hasard d’un repérage.

'Sport de garçon'

Fille de footballeur, elle pratique l’athlétisme «depuis huit ans» lorsqu’un entraîneur l’aborde. «Il m’a dit: +J’ai un match et je veux gagner. Toi t’es rapide, tu vas m’aider+», raconte-t-elle.

«Bon, au début, je ne savais pas faire de passe, ni plaquer. Je prenais le ballon et je courais», plaisante-t-elle. «Mais ensuite j’ai commencé à aimer. C’est la première fois que je vivais dans un groupe... Je suis restée.»

Omayma Dziri, un des espoirs de l’équipe, présente un parcours différent. Agée de 19 ans, elle a pu débuter le rugby plus jeune, grâce aux structures créées dans les années 2000. Elle dit néanmoins s’être heurtée à la réticence de son entourage.

«Mes parents ne voulaient pas car c’est un +sport de garçon+. Mais j’ai dit que si je devais arrêter le rugby, j’arrêtais l’école», lance-t-elle, l’œil noir.

Le directeur technique national (DTN) Samir Ben Magtouf confirme que «tout n’a pas été facile au début». «Mais les parents ont vite vu l’expérience que vivaient leurs filles. Le rugby a chamboulé leur vie», déclare cet ancien international.

«Ca n’était pas évident d’intégrer un sport de contacts dans un pays musulman. Mais faire jouer des filles au rugby, c’était une idée géniale!», s’enthousiasme-t-il.

'Qualités naturelles'

A ce jour, la Tunisie compte un millier de pratiquantes et une vingtaine de structures réparties dans tout le pays.

Beaucoup d’internationales sont d’origine modeste et ont trouvé dans le rugby à VII une opportunité de découvrir le monde. Plusieurs rêvent de rejoindre des formations françaises.

Comble du dépaysement, le stage aux îles Fidji effectué l’an dernier. A cette occasion, «aucune fille n’a fait défection, ce qui veut dire que toutes les familles les ont laissées partir cinq semaines», souligne Francis Crespo, un ancien DTN. «Ce n’est pas rien!»

Installé de longue date en Tunisie, ce natif du sud de la France est un des architectes du rugby local. A la retraite, il a repris du service en 2013, bluffé par le niveau de l’équipe féminine.

Actuel manager général, il reconnaît que lors des compétitions à l’étranger, «ça surprend beaucoup de monde» d’affronter une sélection d’un pays arabe.

Comment explique-t-il cette réussite?

«Le sport tunisien, sur le plan féminin, est quand même bien développé», répond M. Crespo, qui vante aussi «les qualités naturelles impressionnantes» des joueuses.

Sous-médiatisé et en manque chronique de moyens, en particulier depuis la révolution de 2011, le rugby tunisien voit dans son équipe féminine une planche de salut, selon Samir Ben Magtouf.

«Le plus gros budget l’an dernier, c’était pour les filles avec l’idée qu’une qualification pour les JO pourrait changer beaucoup de choses vis-à-vis de l’Etat et des sponsors», explique-t-il.

Au-delà des Jeux, les deux responsables visent la victoire en Coupe d’Afrique 2017, qualificative pour le Mondial-2018. «L’objectif est de remettre l’ensemble du rugby tunisien sur les rails d’ici quatre ans», plaide le DTN.