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Lilowtee Rajmun: «Il est encore possible de doubler la valeur de nos exportations en quinze ans»

25 mai 2016, 10:30

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Lilowtee Rajmun: «Il est encore possible de doubler la valeur de nos exportations en quinze ans»

 

Les membres de la Mauritius Export Association (MEXA) ne sont pas allés de main morte dans leur tentative d’attirer l’attention des autorités sur le sort de la filière de l’exportation. Dans un mémoire présenté en marge du prochain Budget, ils souhaitent que le secteur soit orienté sur la voie de la croissance.

Les membres de l’association ont été jusqu’à affirmer, dans un mémoire remis au gouvernement, que si la situation actuelle se maintient, le secteur de l’exportation mourra de sa belle mort…

Le ton de notre mémoire est certes assez particulier. Le but a été d’attirer l’attention du gouvernement sur un secteur qui a un bel avenir. Contrairement à l’impression que le ton de notre mémoire a pu laisser, le secteur de l’exportation ne va pas mourir. Bien au contraire, ce mémoire a été rédigé en ayant en perspective les objectifs  définis dans la vision du gouvernement pour la période s’étendant de 2020 à 2030. La présentation de la vision 2030 a fait l’objet d’une profonde réflexion parmi les opérateurs du secteur. Cela nous a forcés à redéfinir le futur du secteur de l’exportation. Et pour cause. La croissance de ce secteur a stagné autour de 3 % l’an. C’est une situation qui a perduré durant les cinq dernières années. L’année dernière, la situation s’est détériorée avec une décroissance de 0,75 %.

Les éléments pouvant donner à penser que la situation pourrait se détériorer davantage sont palpables. La démarche a consisté à déclarer que nous n’avons que deux possibilités. Soit on tente de rebondir en exploitant toutes les opportunités de croissance, soit on subit les effets de la situation actuelle.

Une analyse des souhaits des opérateurs de tous les segments quant au devenir même du secteur indique que l’optimisme est de mise et que la confiance dans une possibilité de croissance est plus forte que jamais.

Quels sont les facteurs qui vous autorisent à croire que le secteur de l’exportation recèle un potentiel de croissance non négligeable ?

Bon nombre de personnes pensent que le secteur de l’exportation est exclusivement associé au textile. Il y a dix ans, cette perception aurait pu être pertinente. Ce n’est plus le cas actuellement. En dix ans, le secteur de l’exportation s’est non seulement diversifiés, mais a su se réinventer.

Aujourd’hui, les produits du textile et de l’habillement occupent certes 50 % du volume des exportations. Parallèlement, le secteur a été témoin de l’émergence d’autres créneaux qui se sont développés au point de revendiquer pas moins de 20 % du volume total des exportations. Les segments ayant enregistré des avancées considérables se rapportent entre autres à la transformation des produits de la mer, à la production de toute une gamme de dispositifs médicaux, à la bijouterie. D’où la nécessité de considérer le secteur de l’exportation dans sa globalité. Il a le potentiel requis pour augmenter sa quote-part à la croissance de l’économie mauricienne si certaines mesures spécifiques sont prises en fonction du potentiel de chacun des segments qui ont fait leurs preuves.

Le ton alarmiste de votre mémoire était-il un coup de bluff dans le but d’attirer l’attention sur vos propositions ?

C’était une façon d’attirer l’attention des autorités sur le fait que le secteur de l’exportation est sur la corde raide : puisque son potentiel de croissance a plafonné, il ne lui reste que deux options, la décroissance ou la croissance. Le message est on ne peut plus clair : les opérateurs  du secteur de l’exportation ont résolument intériorisé l’axe de croissance.

La liste de mesures préconisées dans le mémoire donne l’impression que la MEXA demande beaucoup au gouvernement…

La MEXA n’est pas venue quémander l’aide du gouvernement. La nature et la pertinence des recommandations faites au gouvernement ne peuvent être que l’oeuvre d’un groupe d’opérateurs qui veulent être un partenaire stratégique de l’État. Ils prendront une part active dans la conception, la mise en oeuvre et l’administration des projets qui ont été évoqués dans le mémoire.

Nous voulons être un partenaire majoritaire stratégique et dynamique du gouvernement. Cette convergence d’intérêts est indispensable si nous voulons faire de notre secteur de l’exportation un secteur d’activités moderne, novateur et ouvert à l’apport de nouvelles technologies dans sa quête de croissance.

L’idée que nous nous faisons du devenir du secteur est en conformité avec les objectifs de la vision du gouvernement pour la période 2020-2030 et qui ont fixé à 25 % la contribution du secteur manufacturier à l’économie nationale. Cet objectif est à notre portée. La question est de savoir comment y parvenir.

 

Il est possible en quinze ans de doubler la valeur de nos exportations en l’amenant à Rs 97 milliards, contre une performance actuelle de Rs 47 milliards. Ce sont les opérateurs engagés dans la filière de l’exportation qui seront les maîtres d’oeuvre d’une telle réalisation avec à la clé un gouvernement qui joue pleinement son rôle de facilitateur.

Quelles sont les mesures incitatives susceptibles de pousser le secteur de l’exportation hors de la zone de plafonnement où il se trouve depuis cinq ans ?

L’objectif fédérateur consiste à doubler le volume actuel de nos exportations. Pour y parvenir, il n’y a pas de voie miraculeuse. La capacité des opérateurs des segments actuels doit bénéficier de l’apport qui leur permettra d’améliorer sensiblement le niveau de leur efficience et de leur performance.

Que l’on ne se fasse pas d’illusions. Les segments actuels ne pourront pas à eux seuls permettre au secteur de l’exportation de doubler sa capacité. D’où la nécessité de préparer le terrain pour accueillir une nouvelle race d’entrepreneurs qui ont le potentiel de tirer le secteur de l’exportation vers le haut.

Si le développement du secteur devait se faire dans la durée, son évolution devrait alors s’articuler autour d’une volonté à améliorer sa productivité et son efficience.

D’où proviendront ces oiseaux rares puisque la capacité des opérateurs actuels ne pourra à elle seule faire l’affaire ?

Il faut absolument de nouveaux investissements. Il faut renforcer le programme de promotion de Maurice comme destination d’investissements directs étrangers. Ces projets devraient se matérialiser dans la filière industrielle des investissements étrangers directs. Si on examine les données sur l’apport des investisseurs étrangers directs à Maurice, on constaterait de toute évidence que sur un montant de Rs 7 milliards, la filière industrielle n’a bénéficié que d’un apport de Rs 240 millions. La contribution de cette filière n’a été que marginale. Il faut remédier à la situation. Il faut mettre en place entre quatre et cinq projets d’investissements industriels capables d’exporter un volume additionnel de Rs 5 Mds à Rs 6 Mds.

N’y a-t-il pas le risque qu’en fin de compte, l’on se retrouve avec des investisseurs dont le profil ne correspond pas aux objectifs que les opérateurs du secteur se sont fixé, à savoir celui de doubler le volume d’exportation ?

Deux récentes initiatives ont renforcé notre conviction qu’il est possible de faire de la place pour les investisseurs étrangers pouvant renforcer la capacité de notre secteur d’exportation. Dans le premier cas, il s’agit d’une société spécialisée dans la production de dispositifs médicaux. L’autre cas concerne une société qui fabrique des bouteilles préformées. Nous parlons de sociétés engagées dans la filière industrielle du port franc. Une de ces deux sociétés a la capacité de doubler son volume d’exportation dans la région.

L’ouverture à l’investissement direct étranger industriel ne risque-t-elle pas de se transformer en une concurrence directe aux producteurs locaux ?

Cela se produirait si on attirait sur notre territoire des projets d’investissement à forte intensité de main-d'oeuvre. Ce ne sera pas le cas. Il faut opter pour des sociétés à forte intensité de capital. Bref, des sociétés qui opèrent avec des équipements modernes et des outils informatiques dernier cri. C’est ainsi que les jeunes diplômés, qui ne trouvent pas de travail dans les circonstances actuelles, pourront multiplier leurs chances d’embauche.

Ces nouvelles sociétés auront besoin de techniciens spécialisés, d’ingénieurs, d’experts dans le domaine de la production, entre autres. L’exemple le plus parlant est celui de cet opérateur qui a un projet de fabrication de bouteilles préformées dans le port franc. Il doublera sa capacité d’exportation dans la région grâce à l’apport d’équipements sophistiqués et le concours d’une cinquantaine de techniciens seulement. Loin de pousser à la fermeture d’entités existantes, une telle société va contribuer à améliorer le niveau de nos exportations et à absorber nos jeunes chômeurs.

L’éloignement géographique de Maurice de ses principaux marchés ne risque-t-il pas de court-circuiter les efforts qui seront déployés pour la modernisation du secteur de l’exportation, le rehaussement du niveau de sa performance et de son efficience ?

Il est indispensable que l’on trouve une solution pour réduire autant que possible l’impact de notre éloignement géographique de nos principaux marchés. La réponse viendra de notre capacité à exploiter le potentiel du système mauricien du transport aérien. Un groupe constitué de représentants du gouvernement, de la compagnie nationale d’aviation Air Mauritius et de la Mauritius Export Association travaille déjà sur cette problématique. Maurice se doit de promouvoir l’image d’un pays exportateur reconnu pour la rapidité de livraison de ses exportations.