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Mohammed Chummun, 49 ans : Le marchand de coco qui parle 20 langues

21 mai 2016, 10:46

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Mohammed Chummun, 49 ans : Le marchand de coco qui parle 20 langues

 

Tchatcheur en vue. Hormis sa serpe, son principal outil de travail demeure sa langue bien affûtée. Mohammed Chummun, marchand de noix de coco, la manie avec dextérité, puisqu’il s’exprime couramment en grec, allemand, japonais, hongrois, russe, italien, espagnol, la liste est encore longue. Sans parler du français.

«Il faut parler la langue de Molière correctement ou sinon koz kreol morisien. On ne peut pas mélanger les deux. Fransé mem fel ar mwa», précise-til, avec l’accent siouplé.

Dans sa barbe blanche, jaunie, quelques éclats de bourre de coco. Sous la marquise, installée à l’entrée du Jardin de Pamplemousses, il est comme dans son jardin et ne rate pas une occasion d’attirer l’attention des visiteurs. «Mo enn bater lakol, profesionel en plis.»

Clients en vue. Interruption momentanée de l’entretien pour cause de «bat lakol» avec des touristes. «Ich spreche gut deutsch.» Traduction : je parle bien l’allemand.

Le business l’a cueilli il y a 20 ans, confie Mohammed. «Lekol, mo ti enn bef.» Alors, à 17 ans, avant de vendre des noix de coco, il a mis la main à la pâte : «Je suis également un pâtissier professionnel.»

Mais il a ensuite été foudroyé par l’amour. Ce qui l’a poussé à «émigrer» à Pamplemousses. «J’étais pauvre, je n’avais rien. J’habitais donc chez la dame en question.» Le verbe est à l’imparfait, puisque Mohammed s’est séparé de sa femme depuis.

Cela ne l’a pas empêché d’en rencontrer d’autres. Combien ? «Sink madam li ena !» hurle un ami derrière lui. Mais Mohammed préfère garder le mystère à ce sujet. Ce qui est sûr, c’est que ses amours ont porté leurs fruits ; cinq plus précisément. Ses enfants sont âgés de 25, 22, 18, 13 et 6 ans.

Ce n’est pas pour autant que la relève est assurée. «Pou fer sa travayla, bizin pasyans. Personn pa oulé vinn kwi dan soley depi 9 er ziska 3 zer.» Interruption momentanée de l’entretien pour cause de «bat lakol» en hindi. «Nariyal paani piyo, 100 saal jiyo.» En d’autres mots, bois de l’eau de coco et tu vivras 100 ans.

Ce qui conduit à la question : how, when, where a-t-il appris toutes ces langues ? «Mon professeur, c’est la vie. Et puis, Dieu m’a donné une bonne mémoire !» Il a ainsi emmagasiné les mots au contact des clients, au fil des ans. Interruption momentanée de l’entretien pour cause de «bat lakol» en italien. «Venire a godere il mio cocco.» (NdlR : si l’on en croit Google translate, parce qu’on n’a pas tout capté).

Sinon, combien d’argent le bagou et les noix de coco rapportent-ils à Mohammed mensuellement ? «Bah, je me fais entre Rs 8 000 et Rs 9 000. Il faut enlever Rs 1 500 pour la location de l’emplacement.» Il souhaite lancer un message aux lecteurs. «Pa get zozo par so plim. Il y a des gens qui ont des préjugés en regardant vos vêtements ou en vous jugeant sur le métier que vous faites. Mé mo ena savwar-viv mwa.» Interruption momentanée de l’entretien pour cause de «bat lakol» en français. «Ah ! Madame, il n’y a pas de pulpe à l’intérieur de celle-ci, que d’la flotte. Je vous offre une autre noix ?»

Avec son talent, a-t-il déjà envisagé de faire autre chose, comme guide ? Non. «Mo kontan lib, travay pou momem, pena presyon.» Interruption de l’entretien pour cause de «bat lakol» en japonais. «Kite, watashi no kokonattsu o tanoshimimasu.»

Le mot de la fin ? «In what language please?»