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Facettes cachées de... Ally Lazer: accro à la lutte antidrogue

24 avril 2016, 10:00

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Facettes cachées de... Ally Lazer: accro à la lutte antidrogue

Sa drogue à lui, c’est justement la lutte antidrogue. Pour mener à bien sa mission, le chef inspecteur au sein de la Field Services Unit du ministère des Administrations régionales, aux yeux toujours cachés derrière des lunettes noires en raison d’une allergie chronique à la lumière, alimente ses connaissances par la lecture de documents sur ce fléau. Rencontre.

Peu de gens savent que vous êtes chef inspecteur aux Administrations régionales…
J’aurais dû avoir la promotion plus tôt mais j’ai payé le prix fort en raison de mon engagement social. Lorsqu’ils sont dans l’opposition, tous les politiciens disent que le pays a besoin d’un plus grand nombre d’Ally Lazer. Mais une fois au pouvoir, je deviens l’ennemi numéro un.

Depuis plus de 30 ans, vous dénoncez les barons de la drogue. Comment expliquez-vous que cette substance circule toujours autant?
Les deux grands obstacles sont la corruption et la protection occulte que les dirigeants politiques accordent aux marchands de la mort.

Qu’attendez-vous de cette deuxième commission d’enquête ?
Trente ans après la commission Rault, j’étais parmi les quelques rares personnes à demander une deuxième commission d’enquête car en tant que cofondateur du centre Idrice Goomany, j’ai vu la souffrance des parents qui ont réceptionné le cadavre de leur enfant mort par overdose. Mais je ne me fais pas d’illusions. Sir Maurice Rault avait fait des tas de recommandations mais celles-ci n’ont jamais été appliquées.

Est-ce, alors, encore un coup d’épée dans l’eau ?
J’ai confiance en les institutions mais je ne fais pas confiance aux personnes faisant partie de celles-ci. À cause d’une minorité de brebis galeuses qui sont disposées à vendre leur âme pour quelques millions de roupies, sans réaliser le tort qu’ils font à la jeunesse. Comment expliquer que des drogues ainsi que l’argent saisis aient disparu du coffre en béton armé de l’Anti-Drug and Smuggling Unit au sein des Casernes centrales? Je n’ai pas de doutes sur le fait que l’ancien juge Lam Shang Leen et ses assesseurs feront de bonnes recommandations mais je n’ai pas grand espoir en ce qu’il s’agit de la mise en oeuvre desdites mesures.

Pourquoi tant d’acharnement à combattre le trafic de drogue?
Le déclic, cela a été la mort par overdose de mon oncle de 48 ans, au début des années 80. Voir les larmes de ses fils mineurs et celles de son épouse m’a fait réaliser qu’il fallait que je me remue. Le lendemain, j’ai organisé mon premier meeting public, à une époque où les gens tremblaient lorsqu’ils entendaient les noms des marchands de la mort. J’ignore comment Dieu m’a donné le courage et j’ai cité leurs noms. Le lendemain, devant ma porte, l’un d’eux m’a collé une arme à la tempe, me promettant de me faire aller rejoindre mon oncle dans sa tombe.

Ne craignez-vous pas pour votre vie ?
Je n’ai pas eu peur. C’est un sentiment que je ne connais pas. Si demain l’on me tue, je serai heureux car je sais que j’ai fait mon devoir de citoyen, de patriote, de père. J’ai reçu des menaces à plusieurs reprises. Ma femme Rooksana aussi. J’ai changé de numéro de téléphone fixe à cinq ou six reprises. Mais je continue ma lutte.

Que faites-vous durant votre temps libre?
Je n’en ai pratiquement pas. En tant qu’éducateur formé par l’Institut pour le développement et le progrès puis, plus tard, par l’Institut francophone de la lutte contre les drogues à Paris, je vais dans les centres de jeunesse, de femmes, dans des églises, mandir et mosquées pour faire de la sensibilisation. Ce week-end, je serai à Souillac et à Bel-Air. Avant de faire du social, je pratiquais du football et la pêche mais je ne dispose plus de mon temps.

Parlez-nous de votre famille.
Je suis marié à Rooksana qui est femme au foyer. Mon fils Tariq, qui a 30 ans, a fait des études à Londres et il travaille maintenant à la Road Development Authority. Ma fille de 26 ans, Yasmeen, que j’ai à peine vu grandir, est mariée et vit à Londres. Je suis grand-père de deux petits- enfants, Hamza, 12 ans, et Hanifa, huit ans.

Quels livres lisez-vous?
Tout ce qui touche de près à la drogue et au VIH/SIDA. Mo adik ek sa bann liv ek rapor-la. Ma richesse, c’est ma bibliothèque que je dois actualiser sans cesse.

Votre idée du bonheur?
Le bonheur pour moi, c’est d’être utile aux autres.

Qu’auriez-vous souhaité réaliser avant de quitter ce monde?
Ce serait de voir une réelle volonté politique pour combattre ce fléau destructeur et mortel qu’est la drogue. Et ne plus voir de cadavres de jeunes qui prennent la route du cimetière.