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Firmes d’audit: dans l’univers des inspecteurs des comptes

9 février 2016, 21:40

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Firmes d’audit: dans l’univers des inspecteurs des comptes

 

«Si les firmes d’audit commencent à dissimuler ce qu’elles trouvent de louche, on est mal parti», déclarait le gouverneur de la Banque centrale il y a dix jours, après la publication du rapport nTan. Sa cible: la firme BDO. Alors qu’elle avait été l’auditeur externe d’un des fonds de Bramer Property Fund, BDO a été choisie par le gouvernement pour résoudre la crise de la BAI. Depuis, épaulée par la FSC et le ministère de la Bonne gouvernance, elle explique qu’il n’y a aucun conflit d’intérêts puisque, techniquement, BPF n’est pas une filiale du groupe BAI

 

Mais BDO n’est pas la seule firme d’audit à s’être retrouvée en position délicate avec l’affaire BAI. KPMG, l’auditeur externe du groupe, est accusé par le ministère de la Bonne gouvernance d’avoir émis desclean audit reports alors même qu’il savait que les investissements croisés à l’interne dans le groupe BAI n’étaient pas viables.

 

Autre firme concernée: PwC. C’est l’histoire du sauveur qui se transforme en méchant. Ce cabinet avait d’abord été choisi comme l’administrateur de BAI. Mais quelques mois plus tard, pour un différend autour des honoraires, le gouvernement le remplace par BDO.

 

La dernière firme sur le gril dans le sillage de cette affaire est la singapourienne nTan. Auteure de l’enquête commanditée par la Banque de Maurice, elle se fait taper sur les doigts par la famille Rawat pour «ne pas avoir été impartiale». Dans cet imbroglio de cabinets, d’accusations, et de démentis, voici ce qu’il faut comprendre du fonctionnement de ces firmes.

 

Combien coûte un audit

 

D’abord, il faut savoir que c’est le Companies Act de 2001 qui recommande que les entreprises fassent auditer leurs comptes. Il y a d’abord l’exercice effectué par les auditeurs internes de l’entreprise. Mais pour assurer la bonne gouvernance et la transparence, l’expertise d’une firme d’audit externe est aussi demandée. Celle-ci est censée vérifier l’exercice effectué par les auditeurs internes et «donner son opinion si le bilan financier et les comptes, préparés par le directeur, sont true and fair». C’est le rôle principal de l’auditeur. Les auditeurs sont, au départ (ou quand une firme décide de remettre en question son contrat d’audit ongoing) choisis après un appel d’offres précis du travail à faire et le mieux-disant est généralement sélectionné.

 

Les firmes qui postulent pour le travail se basent sur le nombre d’heures de travail estimé. Les tarifs horaires sont différents pour des juniors, des spécialistes (mettons de fiscalité…) ou des partenaires qui vont tout revoir du travail pour donner l’assurance (et le sign-off final) qu’ils estiment nécessaires pour assumer leurs responsabilités.

 

Travail simple ou complexe

 

Le chiffre d’affaires n’est donc qu’un indicateur indirect du coût d’audit. Le travail peut, en effet, être simple ou complexe. Par exemple, pour le même chiffre d’affaires, un investisseur qui importe des boîtes de conserve de tomates et qui les revend à des commerçants opère un business plus simple que celui qui fabrique localement des boîtes de conserve de tomates, processus autrement plus complexe. L’audit d’une banque est, intrinsèquement, plus complexe que celui d’un money changer

 

Il y a une obligation statutaire, pour les compagnies qui doivent publier leurs comptes publiquement de révéler aussi bien ce qu’elles paient à leurs auditeurs pour l’audit lui-même que ce qu’elles paient à la même firme pour d’«autres services». L’objectif à ce niveau est de donner une idée aux actionnaires du degré d’imbrication de la firme d’audit (et donc, quelque part, de son degré de dépendance) avec son client. Ces «autres services» peuvent comprendre du consultancy, un audit particulier (par exemple, pour établir le degré de sécurité du système informatique) ou la taxe.

 

À titre d’exemple, La Sentinelle payait Rs 1,85 million à son auditeur Ernst & Young (EY) pour ses comptes en 2015 et Rs 744 000 pour d’autres services. Le Mauritius Commercial Bank Group, pour la même période, réglait Rs 24,5 millions à ses divers auditeurs (principalement à BDO) et Rs 2,7 millions pour d’autres services.

 

Que faire s’il y a des soupçons de fraude ?

 

D’abord, ils doivent identifier le motif de la fraude. Dans un deuxième temps, l’auditeur informe le Senior Partner de son cabinet d’experts-comptables. À ce stade, c’est le Forensic qui peut être appelé à intervenir. Certaines firmes comptables dis posent elles-mêmes de ce service. «Ceux qui travaillent au Forensic interviennent après la fraude. Comme pour un crime, les éléments du Forensic viennent sur la scène pour prendre des indices et enquêter. C’est le même principe», explique une source de ce milieu.

 

Ensuite, si la firme auditée est une banque, l’auditeur se tourne vers le régulateur, qui est la Banque de Maurice. Si c’est une autre firme dans le service financier, les experts se tournent vers la Financial Services Commission ou le Financial Reporting Council.

 

Divers coûts d’audit de compagnies mauriciennes

 

Procédés d’un audit

 

Étape 1 : faire un «Audit Planning»

L’«Audit Planning» est primordial dans l’exercice d’audit des comptes et du bilan financier. L’équipe d’auditeurs externes va passer à peu près trois semaines au sein de l’entreprise. À ce stade, les auditeurs décèlent les zones de risques. Il s’agit d’identifier où il y a le plus de risques de maldonne.

 

 

Étape 2 : effectuer un contrôle interne

C’est l’étape des vérifications et des «enquêtes». Les auditeurs vérifient les factures, les reçus et les comptes pour voir si toutes les entrées ont bien été faites. À ce niveau, l’auditeur recherche des fluctuations majeures dans les recettes mais il doit aussi consulter le montant des dettes depuis plusieurs années et voir où l’entreprise a investi son argent.

 

Étape 3 : rédiger le rapport

S’il n’y a pas d’anomalies, c’est la dernière étape. L’auditeur doit dire si oui ou non le rapport a été fait de manière «true and fair». Que se passe-t-il si l’auditeur découvre une anomalie ? Son premier réflexe, c’est de constater l’étendue du problème. Et de chercher à comprendre où se situe la source de l’anomalie. Dépendant de la gravité du problème, il informe la direction, l’administration et l’Audit Committee. Et si besoin est, il se tourne vers les régulateurs.

 

 

FAQ

> Si une compagnie est le client du cabinet d’audit, quel est l’intérêt de celui-ci à ne pas maquiller les fraudes qu’il découvre ?

Il y va de la réputation du cabinet, mais aussi des dispositions légales. Le Financial Reporting Council peut, après plusieurs avertissements pour des failles avérées et prouvées, empêcher un cabinet d’exercer.

 

Dans le cas de BAI, KPMG a rencontré ses clients le 29 mars 2011 pour leur faire part de ses inquiétudes sur la viabilité des investissements intra-BAI. C’est aussi une mission de l’auditeur externe : tenter de proposer des solutions aux problèmes auxquels fait face son client. KPMG devait-il aussi alerter les autorités ? C’est justement la question qui divise le gouvernement et le cabinet d’audit.

 

> Quels sont les cabinets les plus rentables à Maurice?

C’est un marché très compétitif où BDO, KPMG, PwC, et EY sont les Big Four. En 2014, PwC a réalisé des profits de Rs 45 millions pour un chiffre d’affaires de Rs 421 millions. BDO, de son côté, a terminé 2014 avec des profits de Rs 20 millions pour un chiffre d’affaires de Rs 44 millions. Le chiffre d’affaires de EY s’élève, lui, à Rs 131 millions pour des profits de Rs 7 millions.

 

> Une compagnie doit-elle régulièrement changer d’auditeurs externes ?

C’est une pratique «souhaitée» pour la bonne gouvernance, mais ce n’est pas obligatoire. Pour les deux parties, le principal obstacle reste le coût. Changer d’auditeur implique que le nouveau venu passe des semaines ou des mois (selon la complexité des activités) pour comprendre les procédés. Ni l’auditeur, ni la compagnie ne veulent encourir ce coût.

 

> L’audit des compagnies mauriciennes est-elle la seule activité de ces cabinets ?

Surtout pas ! La gamme de services de ces cabinets est très vaste, allant du consultancy, management outsourcing, jusqu’aux services fiscaux. Aujourd’hui, les plus gros clients sont dans l’offshore, où l’entreprise est facturée en dollars !