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Leela Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Éducation : «L’éducation n’est pas un moule»

22 août 2015, 17:05

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Leela Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Éducation : «L’éducation n’est pas un moule»
Forte de ses 28 ans d’expérience dans l’enseignement, la ministre de l’Éducation,de l’enseignement supérieur et des ressources humaines revient sur la philosophie du Nine-Year Schooling. Elle dit vouloir permettre aux enfants mauriciens de s’épanouir à leur rythme et sortir de la compétition féroce qu’est le CPE.
 
Vous avez vous-même été enseignante. Entre le plan Pillay et celui d’Obeegadoo, lequel vous a le plus inspirée pour le Nine-Year Schooling ?
Pour dire vrai, j’ai davantage été inspirée par mes 28 ans d’expérience. Mes prédécesseurs ont certes été animés par de très bonnes intentions pour améliorer le système éducatif, mais ils ont fait face à certaines contraintes.
 
Moi, mon plan vise essentiellement à préparer nos jeunes à affronter le monde tel qu’il est aujourd’hui. Ils doivent être amenés à avoir des capacités d’analyse, à cultiver la créativité ainsi qu’à nourrir de nouvelles compétences comme c’est le cas de par le monde. C’est notre rôle de leur donner l’opportunité pour développer ces aptitudes qui n’étaient peut-être pas nécessaires auparavant. 
 
L’éducation, pour moi, n’est pas un moule. Elle doit plutôt permettre à un enfant de s’adapter à différentes conditions afin qu’il puisse émerger. En tant que biologiste, je crois fermement que le propre de l’humain est l’évolution. La philosophie du NineYear Schooling consiste à éveiller la soif de connaissance chez l’enfant et à l’encadrer de par ses aptitudes et ses besoins.
 
 
À y voir de près, vous n’êtes pas totalement parvenue à éliminer la «rat race». L’entrée aux académies ne va-t-elle pas accentuer la compétition ?
On a reproché deux choses au système actuel. C’est d’étouffer l’épanouissement d’un enfant et de ne pas lui permettre de développer tout son potentiel. Le Nine-Year Schooling aidera à mettre un terme à une compétition féroce qui n’a que trop duré. Désormais, en évaluant un enfant à la fin de ses études, ce ne sont pas seulement ses résultats académiques qui seront pris en compte mais aussi ses autres qualités : artistiques, oratoires et sportives, entre autres.
 
L’enfant peut choisir de pour suivre ses études dans un collège régional ou une académie. Où est la compétition ? La réforme ne concerne pas seulement les neuf premières années de sa scolarité, d’autres changements vont intervenir. On s’est déjà penché sur le préscolaire qui est l’une de nos priorités et on a aussi des projets pour le secteur tertiaire.
 
Comment empêcher un parent de vouloir qu’un «star teacher» soit assigné dans la classe de son enfant ? 
Laissez-moi vous dire que, pour moi, un star teacher est celui qui a su encadrer un élève moyen ou un élève qui a eu des difficultés d’apprentissage et l’a aidé à obtenir de bons résultats. J’ai vu beaucoup d’élèves moyens s’avérer meilleurs que ceux qui avaient un bon niveau à la fin de leurs études. Cela me fait d’ailleurs toujours plaisir, en recevant le public, de tomber sur d’excellents résultats de jeunes issus d’écoles dont on entend très rarement les noms.
 
Les leçons particulières y sont aussi pour quelque chose, n’est-ce pas ?
Comment y mettre un terme ? Aux parents de prendre leurs responsabilités. Ils peuvent, grâce à ce nouveau concept, permettre à leurs enfants d’étudier avec plaisir et sérénité. Je ne sais pas pour vous mais à mon époque les leçons n’existaient pas. J’étais au Couvent de Lorette et la directrice avait prévu des séances de rattrapage pour celles qui n’avaient pas bien assimilé certains cours. Personne ne voulait y aller et nul n’échouait. Tout le travail se faisait et se fait à l’école.
 
Quel sera le rôle du MITD avec les écoles polytechniques mentionnées dans votre plan ?
Nous voulons qu’il soit à même d’offrir des cours de qualité. Les élèves ayant suivi une formation préprofessionnelle auront la possibilité d’intégrer le monde du travail ou d’approfondir leurs connaissances dans les écoles polytechniques. Les meilleurs auront également l’occasion de poursuivre leurs études jusqu’au niveau supérieur. Rien ne sera négligé.
 
À quand une bourse sports-études ou dans le domaine des arts ? 
Nous y travaillons. Je suis déjà en pourparlers avec mon collègue des Sports. Nous allons faire les premiers pas du Nine-Year Schooling en 2017 et les changements interviendront par la suite.
 
La mixité au sein des académies semble déranger certains. Est-ce une épine à la réforme ?
La mixité existe au primaire et à l’université, pourquoi serait-elle un problème au secondaire ? On a bien des collèges mixtes à Maurice. Estce qu’on a eu des soucis ? Non. Si quelqu’un vient me sortir ce raisonnement, c’est qu’il faut venir bien vite avec la réforme. Au contraire, la mixité apprendra aux adolescents le respect de l’autre.
 
Permettez-moi aussi de vous dire que du Standard I au Higher School Certificate j’ai étudié dans une école réservée aux filles. Moi, la mixité que j’ai connue à l’université ne me pose aucun problème.
 
En Inde, un juge a condamné des hauts fonctionnaires et des ministres d’Allahabad à placer leurs enfants dans des écoles publiques afin qu’ils soient au courant des soucis auxquels ils font face. Devrions-nous faire la même chose à Maurice pour démontrer que vous autres, dirigeants politiques, faites confiance à l’instruction publique ?
Mes parents ont choisi de me placer dans une école privée. Quand je suis devenue parent à mon tour, j’ai envoyé mes enfants à l’école Aryan Vedic avant de les faire admettre au collège du St-Esprit. Je ne pense pas que si je ne les avais pas envoyés à l’école Aryan Vedic, cela veut dire que j’aurais manqué de confiance dans le système. Moi, j’ai voulu savoir comment une école publique fonctionnait.
 
Y aura-t-il d’autres recrutements dans l’Éducation avec le Nine-Year Schooling ?
Définitivement. Tout dépendra d’ailleurs du financement. Des enseignants pour les nouvelles matières seront embauchés. Il ne faut toutefois pas oublier que le nombre d’admissions est en baisse constante.
 
Sautons du coq à l’âne. Vous êtes la plus citée pour prendre la direction du MSM…
La question ne se pose…
 
 …au cas où votre leader tarde à obtenir son appel. Vous vous voyez à la tête du Sun Trust ? 
La question ne se pose pas. Pravind Jugnauth est mon leader, il restera mon leader.
 
Arrêtons avec le culte de la personnalité. En GrandeBretagne, les leaders partent après un certain nombre d’années. Pensez-vous pouvoir être le leader d’un parti, voire être chef d’un gouvernement ? Cela vous a-t-il déjà effleuré l’esprit ? 
Je choisis de ne pas répondre à cette question…
 
Vous vous défilez ?
On ne va quand même pas vous expulser du MSM… Non… Être leader du MSM ou chef de gouvernement ne figure pas parmi mes aspirations politiques… immédiates.
 
Que se passe-t-il entre Showkutally Soodhun et Xavier-Luc Duval ? Sont-ils toujours à couteaux tirés ?
Showkutally Soodhun a déjà dit qu’il considère Xavier-Luc Duval comme son frère.
 
Frères ennemis ? 
Je les ai vus au Conseil des ministres. Ils s’entendent très bien.