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Meurtre d’Eleana Gentil: la peur s’est installée à Cité Anoska

17 avril 2015, 12:54

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Meurtre d’Eleana Gentil: la peur s’est installée à Cité Anoska

Les cloches se sont tues, les rues se sont vidées. À Cité Anoska, ce vendredi 17 avril, une pluie lancinante a remplacé les larmes qui ne coulent plus, taries. Le silence s’est abattu sur le quartier, où quelques habitants, tétanisés, déambulent la tête basse.

 

La bâche verte installée sur la route abritait hier encore les nombreux proches, voisins, ou simples anonymes, venus rendre un dernier hommage à la fillette disparue, une enfant victime de la folie des adultes. Aujourd’hui, l’eau s’accumule sur le prélart, dégouline sur les quelques rares personnes encore là. Toutes ont les yeux rougis par le chagrin, le visage gonflé et la mine défaite.

 

 

 

 

«Depuis, tout le monde a peur. Les gens circulent beaucoup moins dans le quartier», confie Christelle, 25 ans. Elle fourre les mains dans les poches de son blouson bleu. Il ne fait pas si froid ce matin mais l’air est glacial de tristesse. Autour des adultes, des enfants courent dans tous les sens, inconscients du drame qui paralyse la petite communauté. Ils sont pourtant les premiers concernés.

 

«On n’ose plus laisser les enfants sortir seuls ou aller à la boutique», ajoute Christelle. La méfiance a pris ses quartiers dans la cité ; une cité où, jusqu’à présent, régnait une ambiance plutôt bon enfant, affirment les habitants. «Nos petits ont grandi ensemble, on se connaît tous, on n’avait pas peur : après tout, on était chez nous.»

 

Ce temps est révolu, alors que l’impensable s’est produit. «Maintenant, on n’a plus confiance, on se méfie de tout, de tous.» Les mères inquiètes ne laissent plus leurs rejetons sans surveillance. Elles les accompagnent le matin quand ils doivent marcher quelques centaines de mètres pour prendre le bus.

 

 

Cité Anoska – ses maisons aux blocs gris recouverts de moisissure, ses bicoques en tôle et ses petits jardins aux herbes luxuriantes – s’est transformée en «prison» à ciel ouvert pour ses habitants. Ils racontent que «chez (eux), on aime bien boire, fumer des cigarettes mais la drogue, pas de ça ici». Ils affirment que le soir, de nombreux véhicules font le va-et-vient, des «étrangers» qu’ils ne connaissent pas.

 

Et maintenant qu’ils ne peuvent plus faire confiance à personne, ils ont décidé de prendre les choses en main. Patrick Jummun, l’oncle d’Eleana, explique que lundi, une réunion sera organisée avec les habitants pour décider de mesures à prendre pour mieux «surveiller» le quartier: «On ne peut plus simplement laisser des gens circuler ici sans savoir ce qu’ils veulent, ce qu’ils viennent faire!»

 

Sentiment d’insécurité

 

Les propositions fusent. Certaines sont réalisables, comme l’idée d’une des habitantes de faire installer plus de lampadaires. D’autres laissent plus perplexe : «Il faut installer un portail à l’entrée de la cité», lance une personne, alors qu’une autre suggère de mettre des caméras de surveillance au même endroit. Tous souhaitent voir une présence accrue de la police et des patrouilles plus régulières. Ces idées témoignent du sentiment d’insécurité qui règne.

 

En attendant, la vie ne s’écoule pas au même rythme. Soudain propulsé au centre de l’actualité, le quartier se retrouve tiraillé entre l’envie rageuse que justice soit faite et le besoin de faire le deuil d’Eleana avec sérénité. Alors que depuis le matin, les radios ont annoncé qu’un suspect a été arrêté, les proches d’Eleana, eux, préfèrent ne pas trop espérer. Ils attendent patiemment, les épaules affaissées. Car un suspect n’est pas forcément coupable et ils le savent bien.

 

«Il faut les pendre»

 

Rosemary, 45 ans, la tante de la fillette, raconte comment lors des battues, tous les habitants de la cité ont aidé, «même les personnes malades. Et la police aussi s’est donnée beaucoup de mal». Elle martèle : «Il n’y a rien de comparable à la douleur d’une mère qui a perdu son enfant de cette manière atroce. Ces gens qui ont fait ça, on a envie de leur faire subir la même chose.»

 

C’est aussi l’avis de Michel Perrine, 57 ans. Casquette et blouson noirs, barbiche grisonnante, le grand-père maternel d’Eleana cherche d’abord ses mots, puis s’exprime avec force, sans trahir aucune peine. Mais sa colère, sourde, profonde, s’entend dans de légers tremblements, quand sa voix fléchit et le trahit, lui qui vient de perdre sa petite-fille. «Ça ne sert à rien de les enfermer, ceux qui ont fait ça. Je n’ai qu’une chose à dire et je m’adresse au Premier ministre lui-même: il ne faut pas leur donner la liberté conditionnelle. Il faut les pendre.»

 

Michel Perrine, le grand-père maternel d’Eleana,
peine à contenir sa colère après ce qu’a subi sa petite-fille.