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Prostitution: les damnées de la rue

3 mars 2015, 19:48

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Prostitution: les damnées de la rue
Elles arpentent les rues à la recherche de clients, espérant parvenir à nourrir leurs enfants à la fin de la journée. Crucifiées par la morale, au ban de la société, les travailleuses du sexe sont pourtant des mères de famille et des femmes comme les autres, explique Parapli Rouz, une branche de l’ONG Chrysalide qui défend les droits des prostituées.
 
A l’occasion de la Journée internationale des travailleurs du sexe ainsi que de celle de la femme célébrées le 3 et le 8 mars respectivement, l’association a tenu à donner la parole à ces femmes. Celles-ci expliquent leur misère et les raisons qui les ont poussées à «faire le trottoir».
 
«Mo mari ti dan prizon, lerla mo ti retrouv mwa tousel ek 2 zanfan sanki mo ena enn lakaz kot mo reste. Se la kot mo ti koumans fer la prostitisyion pou la premi fwa. Mo premie ti ena 2 zan, mo garson ti ena 2 mwa 1⁄2. Nou ti pe dormi lor bistop, pa ti ena manze, pa ti ena nanye, pena leswa», raconte ainsi J., une mère de famille de 32 ans.

Des êtres humains comme les autres

Quant à M., 34 ans, c’est la mort de son mari qui a précipité sa famille dans la misère. Mère de cinq enfants, elle s’est résolue à assurer leur avenir, même au détriment du sien. Comme toutes les femmes, elle rêve d’une vie meilleure pour elle et ses enfants : «Gayn enn lakaz ki ena lalimier, mo zanfan pe get televizyion, zot fer zot devwar, zot pe al lekol. Sa ki gran la, pe gayn enn travay. Kan mo rant lakaz apre travay mo la ek mo bann zanfan. Se sa tousel ki mo anvi…»
 
Pour J., «la plus grande chose qui puisse pousser une femme à se prostituer c’est la pauvreté. Pour que ses enfants puissent manger, pour que ses enfants puissent vivre». Un sacrifice à la mesure de l’amour qu’elles portent à leurs enfants…

Des chiffres inquiétants

D’après une étude du ministère de la Santé conduite en 2014, il y aurait environ 6 000 prostituées à Maurice, soit 2% de la population féminine adulte. Moins de 5% d’entre elles ont complété leurs études secondaires, et plus de 80% subviennent aux besoins de leur famille. 
 
Les chiffres, explique Parapli Rouz, sont sans doute plus grands que cela. «A noter que le nombre de travailleurs du sexe à Maurice est largement supérieur à l’estimation de l’étude citée si l’on additionne les hommes et transgenres pratiquant ce métier, sans compter les réseaux plus cachés qui n’ont pas été touchés par cette étude», souligne l’association.
 
Pratiquer le plus vieux métier du monde fait forcément de ces femmes des exclues. Elles se voient régulièrement refuser l’accès aux services publics ou de santé.
 
Le métier n’est pas non plus sans dangers… D’après Parapli Rouz, «les travailleuses du sexe sont particulièrement vulnérables sur le plan physique et situationnel, dans le sens où elles se retrouvent souvent seules dans la rue ou seules à se rendre à un rendez-vous donné par un client au téléphone».
 
Selon le ministère de la Santé, 13% des prostituées auraient déjà été agressées, et 28% violées. Certains faits divers retentissants, comme la mort de Marie-Ange Milazar, une femme enceinte éventrée et jetée dans une bouche d’égout, symbolisent cette précarité. «Parfwa pa gagn travay, parfwa dimounn zour twa lor simin. Ena maltret nou, zot bat twa (...) Zot pa kone to ena zanfan pe atann twa. Bokou kamarad inn mor akoz sa maniyer la mem», déplore M.

«Mo pa manz bonbon ar so plastik»

La non-utilisation du préservatif est un autre problème auquel les prostituées doivent faire face régulièrement. Souvent, face à l’insistance des clients, elles n’osent pas refuser des relations sexuelles non-protégées. Parapli Rouz souligne qu’elles entendent bien souvent leurs clients leur dire : «Mo pa manz bonbon ar so plastik». De peur de représailles, beaucoup n’osent pas les contredire.  
 
L’ONG argue également que «les instances légales ne sont pas non plus en leur faveur». Parapli Rouz explique qu’elles sont souvent les seules inquiétées lors des contrôles de police, alors que ce sont souvent les clients qui sollicitent leurs faveurs. De plus, elles sont nombreuses à se voir refuser l’assistance des forces de l’ordre en cas d’agression. 
 
Parapli Rouz vous montre l’enfer de la prostitution à Maurice à travers cette vidéo réalisée avec l’aide de l’Union Européenne. 
 
Elles ont sacrifié leur corps et leur dignité pour nourrir leurs enfants, mais n’en restent pas moins des êtres humains. Découvrez l’enfer de la prostitution raconté par celles qui font le trottoir :