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Financement des partis politiques: l’État doit-il s’en mêler?

23 février 2015, 21:03

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Financement des partis politiques: l’État doit-il s’en mêler?

Les millions retrouvés dans les coffres du leader du Parti travailliste Navin Ramgoolam ont remis au goût du jour l’éternelle question du financement des partis politiques. Si le gouvernement du jour affirme vouloir aller de l’avant avec une loi-cadre, il ne donne pas encore  aucune indication sur une question cruciale : est-ce l’État qui doit financer les partis avec l’argent public ? La question fait débat dans les milieux politiques et parmi les hommes de loi.

 

«Le projet de loi était prêt quand nous étions au gouvernement, affirme le secrétaire général du Mouvement militant mauricien (MMM), Ajay Gunness. Cela montre que le MMM a toujours été pour. Il faut juste le réactualiser.» Le nouveau secrétaire général des Mauves fait référence au Select Committee présidé par Emmanuel Leung Shing, en 2004, dans le sillage du rapport Sachs sur la réforme électorale. Ce rapport préconise bel et bien le financement des partis politiques par l’État.

 

La première recommandation du rapport a trait à l’opposition parlementaire. Le gouvernement, argue-t-on, a tout l’appareil étatique à sa disposition pour jouer son rôle au Parlement, surtout quand il s’agit d’avis légaux. Ce financement des partis d’opposition leur permettrait de financer leurs travaux de recherche, entre autres.

 

Vient ensuite la création d’un fonds spécial sous la responsabilité de l’Electoral Supervisory Commission. Les activités hors élections des partis qui ont recueilli un minimum de 10 % des votes au niveau national seraient financées par l’État. Il est, par exemple, question de la gestion d’un bureau et des frais administratifs. Quant aux élections, 10 % des dépenses des candidats ayant obtenu 20 % des votes et 20 % des dépenses des partis en ayant recueilli 10 % seraient remboursées.

 

En sus de l’argent versé directement aux partis, la communication aux électeurs par la poste et l’accès dans l'enceinte des écoles publiques pour des meetings devraient être gratuits aussi, suggère le rapport Leung Shing.

 

C’est ce genre de financement que prône Rezistans ek Alternativ, parti de gauche opposé au financement direct. «Il y a deux sortes de subvention de l’État, explique Ashok Subron, un des principaux animateurs du parti, celle qui est directe et l’autre, indirecte. Nous ne sommes pas en faveur des subventions directes.» La raison ? L’expression des droits politiques fondamentaux des citoyens «ne doit pas être contrôlée par l’État».

 

«PRINTING VOUCHERS»

 

Rezistans ek Alternativ suggère que les registres électoraux, en vente sur CD à Rs 1 000, soient donnés gratuitement ou vendus à un prix raisonnable, à titre d’exemple. Ou encore que les partis politiques obtiennent des «printing vouchers» du gouvernement pour leurs frais d’impression en ce qui concerne les affiches.

 

Milan Meetarbhan, avocat et ambassadeur de Maurice aux Nations unies avant les dernières élections, explique, pour sa part, qu’il faut se demander d’abord ce que veut le contribuable mauricien. «C’est vrai que le financement par l’État réduit les risques de financement occulte, explique-t-il à l’express, mais est-ce que le contribuable sera d’accord que l’argent public serve à financer des partis politiques?»

 

Une question à laquelle il est important de répondre avant de s’engager dans une telle voie, selon l’avocat. Comme le conclut le rapport Leung Shing, il ne considère pas acceptable qu’un fonds soit créé afin de recueillir les donations des individus pour être redistribuées ensuite aux partis éligibles. «Chaque donneur doit être libre de décider qui il veut financer», assure Milan Meetarbhan. L’important, selon l’avocat, c’est non seulement de mettre en place un cadre régulateur, mais de déterminer le rôle que doit jouer l’État dans un «enforcement mechanism». Comment s’assurer que les plafonds imposés sont respectés ? Comment s’assurer que l’argent injecté dans les partis n’est pas utilisé à des fins personnelles ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre, selon notre interlocuteur.