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Yatin Varma membre de l’exécutif du PTr et ancien Attorney General: «J’ignore si l’argent des coffres appartient au PTr»

10 février 2015, 08:01

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Yatin Varma membre de l’exécutif du PTr et ancien Attorney General: «J’ignore si l’argent des coffres appartient au PTr»

Sur le «cash du siècle», Yatin Varma ménage la chèvre et le chou. D’un côté, protéger autant que possible le Parti travailliste de la tornade médiatique. De l’autre, anticiper sur une résurrection du leader. Interview d’un funambule.

 

On ouvre votre coffre tout de suite où on bavarde un peu avant ?

(Rire) Attendons un peu...

 

Aviez-vous connaissance du trésor de Riverwalk ?

Non. Je sais que pour faire tourner un grand parti, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Mais l’ampleur de la somme m’a surpris.

 

Seulement surpris ? Avezvous conscience que ce tour de cash-cash pèse 2 000 ans de salaire d’un instituteur ou d’un conducteur de bus ?

Oui, je comprends que tout cet argent soit choquant pour les gens. Si je ne suis pas surpris outre mesure, c’est parce que je suis en politique depuis 15 ans, je sais que des sommes astronomiques circulent. Et pas seulement au Parti travailliste, c’est le cas aussi au MMM et au MSM.

 

Le savoir est une chose, le voir en est une autre…

Politiquement, les images des coffres débordant de billets ont fait beaucoup de dégâts. D’après mes renseignements, ce n’est pas la MBC qui a filmé mais la police. Les images ont ensuite été envoyées aux rédactions. On y voit l’Attorney General… Que faisait-il aux Casernes ? C’est juste honteux et scandaleux !

 

Honnêtement, vous trouvez que le moment est bien choisi pour donner des leçons de morale ?

Écoutez, aucune loi n’empêche quelqu’un d’avoir des millions chez lui. Je n’accable pas Navin Ramgoolam, je crois en la présomption d’innocence.

 

«Je comprends que tout cet argent soit choquant.» Vous sentez-vous trahi ?

Si je m’étais senti trahi, je n’aurais pas passé une nuit au Casernes centrales, avec d’autres (il les énumère). Je soutiens toujours Navin Ramgoolam. Parce que c’est mon leader. Et parce que je sais que les partis politiques qui sont susceptibles d’être au pouvoir reçoivent énormément d’argent. Les sommes sont colossales, croyez-moi ! Et pas seulement en période électorale. Pour le 1er-Mai, par exemple, les gens donnent aussi.

 

C’est qui, «les gens» ?

Les entreprises sont les plus généreuses. Une anecdote me vient en tête. C’était en 2010, lors de la campagne des élections générales. Une personnalité du secteur privé part faire la tournée des contributions. Il dépose une première mallette au Parti travailliste, puis une deuxième au MMM, il est chaleureusement remercié, très bien. Puis il arrive au MSM. Sans même ouvrir la mallette, son interlocuteur lui dit : «Ou pa kapavfer ankor enn ti zefor ?» Je n’invente rien, c’est du vécu.

 

Et les «dons» des États ?

Ça, je ne suis pas au courant.

 

Comment un parti si riche s’est-il débrouillé pour être si ridicule aux dernières élections ?

Qui vous dit que c’est l’argent du parti ? On verra bien ce que dira Navin Ramgoolam. Pour l’instant, j’ignore si l’argent récupéré dans ces coffres appartient au PTr.

 

Ce serait donc l’argent de poche de Navin Ramgoolam ?

Je n’en sais rien, attendons ses explications. Ce que je sais, c’est qu’il est urgent d’ouvrir le débat sur le financement des partis. Le seuil de Rs 150 000 imposé aux candidats est ridicule. C’est une vaste hypocrisie, tous les députés jurent des affidavits mensongers sur leurs dépenses de campagne. Vous ne me ferez pas croire qu’Anerood Jugnauth a dépensé Rs 137 000, c’est risible. J’ai fait le calcul, chaque candidat dépense facilement un million, et encore, c’est la fourchette basse.

 

En parlant de fourchette basse, l’argent retrouvé dans les coffres, selon des sources proches de l’enquête, ne représenterait qu’une partie du «trésor»….

(Les bras grands ouverts) Comment voulez-vous que je sache ? Je n’en ai aucune idée.

 

Les avez-vous personnellement alimentés, ces coffres ?

(Direct) Non. Je paie mes cotisations chaque mois mais c’est autre chose. Je n’ai jamais fait de donations en cash.

 

Et les autres membres du PTr ?

Moi, en tout cas, je ne l’ai jamais fait.

 

Quel est votre feeling de juriste sur ce que risque Navin Ramgoolam ?

C’est difficile d’anticiper, l’enquête ne fait que commencer. Il va d’abord devoir s’expliquer. Une fois l’enquête bouclée, le DPP dira s’il y a matière à poursuites ou pas. À ce stade, j’ignore ce qu’il va se passer mais je souhaite sincèrement que Navin Ramgoolam s’en sorte. Le Parti travailliste a encore besoin de lui.

 

Vous ne souhaitez pas qu’il démissionne (NdlR: cet entretien a été téalisé vendredi, 24 heures avant l’annonce du «congé» de Navin Ramgoolam) ?

Non. Je souhaite qu’il se mette en retrait jusqu’à la fin de cette affaire. Qu’il fasse une pause. Mais qu’il reste notre leader (NdlR: cette option a été entérinée hier suite à uneréunion du BP. Navin Ramgoolam aannoncé qu’il prenait «un congé avec lesactivités du parti pour (se) consacrer à labataille légale»»).

 

Vous restez donc ramgoolamiste, pas boolelliste…

Je reste travailliste.

 

C’est une réponse de poulemouilliste…

(Sourire forcé) Je suis un pur-sang travailliste, je l’ai toujours été et je le resterai. Cela veut dire que l’intérêt du parti est ma priorité. Or, je ne pense pas qu’installer un nouveau leader maintenant soit dans l’intérêt du parti. C’est prématuré. Nous avons un leader, qu’il le reste en se mettant en retrait.

 

Un leader en retrait, c’est encore un leader ?

Oui. Au leadership collégial de prendre le relais, temporairement.C’est ce qu’il y a de mieux à faire,selon moi.

 

Qui entre au «collège» ?

Arvin Boolell, Patrik Assirvaden, Shakeel Mohamed, Anil Bachoo.

 

Pas de Yatin Varma ?

(Sourire complice) Chaque chose en son temps...

 

On avait compris que Navin Ramgoolam démissionnerait et qu’un nouveau leader émergerait après le congrès du 1er mars…

Si c’est le choix du parti, pas de problème, j’accepte. Mais, selon moi, ce n’est pas ce qu’il faut faire. Je préfère voir Navin Ramgoolam en retrait plutôt qu’en retraite. Du temps de l’affaire Azor Adelaïde, Gaëtan Duval est resté leader du PMSD. Pravind Jugnauth, qui a l’affaire MedPoint sur sa tête, est toujours leader du MSM, il n’est même pas en retrait. Non, pour moi ce n’est pas l’heure de changer de leader, c’est trop tôt.

 

En gros, Arvin Boolell attendra…

Arvin, je le connais bien. Je suis convaincu qu’il a toutes les compétences pour diriger le parti. Un jour, il sera notre leader. Mais ce jour, selon moi, n’est pas arrivé.

 

Comment Navin Ramgoolam vit-il tout ça ? Vous avez des nouvelles ?

Non. Vous n’êtes pas sans savoir que mes services ont été retenus par Mme Soornack, donc j’évite les conflits d’intérêt. J’ai rencontré Navin Ramgoolam très brièvement, en cour, samedi dernier. J’ai juste eu le temps de lui dire que j’étais là, avec les autres, pour le soutenir.

 

Vous le sentez atteint ?

Forcément, ce qu’il vit serait pénible pour n’importe qui. Mais moralement, c’est quelqu’un de très fort. Pour moi, c’était clair qu’après la cassure avec le MSM, une bataille frontale allait se jouer entre lui et les Jugnauth. Ils n’ont pas excusé Ramgoolam pour l’arrestation… (il s’interrompt) enfin, c’est la police qui a emmené Pravind Jugnauth aux Casernes. MedPoint, les Jugnauth l’ont toujours en travers de la gorge.

 

L’argument d’une vendetta politique ne tient plus : les images ont parlé…

Parce que vous trouvez que Ramgoolam est traité en citoyen ordinaire ? Son arrestation était pensée pour l’humilier. Pourquoi un vendredi après-midi ? Pour concrétiser la promesse électorale d’Anerood Juhnauth de l’envoyer en prison ? Je me pose la question… comme je m’en pose sur le traitement réservé à Rakesh Gooljaury. Dans l’affaire Roches-Noires, les provisionnal chargesd’entente délictueuse mentionnent quatre personnes, toutes ont été arrêtées à l’exception de Rakesh Gooljaury.

 

Tout cela est bien joli mais nous éloigne du sujet : le fameux magot. Pourquoi Navin Ramgoolam l’a-t-il conservé chez lui ?

(Silence)

 

Je reformule. Comment expliquez-vous qu’un homme si informé n’ait pas vu le coup partir ?

Peut-être l’a-t-il vu et il n’a pas jugé utile de faire disparaître l’argent. Peut-être qu’il s’est dit qu’il pourrait facilement expliquer sa provenance…

 

C’est une information ?

Non, c’est une hypothèse.

 

Avez-vous une hypothèse sur la personne qui a pu le dénoncer ?

Non. Je ne connais pas tous les proches de Navin Ramgoolam.

 

Si après-demain les travaillistes reviennent au pouvoir, les coffres du MSM ont intérêt à être bien verrouillés ?

Pourquoi attendre demain ? Si l’actuel gouvernement veut faire oeuvre de transparence, qu’il ouvre ses coffres maintenant ! Certains sont connus, d’autres non. Le Sun Trust, c’est quoi ? Un coffre en béton d’une vingtaine d’étages. Ce bâtiment n’est pas né avec quelques sous que je sache. SAJ lui-même ne s’en cache pas : il a construit le Sun Trust avec l’argent des dons faits au MSM.

 

N’empêche que les coffres et les valises de billets ont été retrouvés chez Navin Ramgoolam, pas ailleurs.  

Que les autres partis ouvrent leurs coffres, vous verrez…

 

M. Ramgoolam est-il votre ami ?

Il est le leader de mon parti.

 

Ce n’est pas un ami ?

C’est quelqu’un que je respecte beaucoup.

 

Vous pensez qu’il apprécie que vous soyez l’avocat de Mme Soornack ?

J’ai toujours séparé la politique de mon travail d’avocat.

 

Selon certaines informations qui commencent à circuler, cette dame ne voudrait pas que du bien à l’ex- PM. Info ou intox ?

Pour vous répondre très franchement, j’ai mon opinion politique sur toute cette affaire. Mais Mme Soornack est ma cliente.

 

A-t-elle exercé des pressions auprès de l’ancien Premier ministre ?

Je n’ai pas d’information en ce sens. Mais encore une fois, j’ai mon opinion sur toute cette affaire.

 

Ni pression ni chantage ?

(Il cherche ses mots) Moi, je ne sais pas, mais… je n’ai rien d’autre à dire là-dessus.

 

Son ardoise à l’aéroport, votre cliente envisage-t-elle éventuellement de s’en acquitter un jour ?

Les deux parties – Airway Coffee et ATOL/ALM – sont en négociation.

 

Effectivement, depuis l’année dernière. C’en est où ?

Je ne peux pas divulguer les détails, c’est strictement confidentiel.

 

Confidentiel comme la seule question qui vaille ?

Allez-y…

 

Navin Ramgoolam a t-il pu amasser tout cet argent légalement ?

Oui, c’est possible.

 

Dans ce cas, pourquoi est-ce qu’il ne l’a pas fait fructifier sur un compte bancaire qui aurait rapporté chaque mois des millions en intérêts ?

Les enquêteurs lui poseront certainement cette question. Moi, je n’ai pas la réponse.

 

C’est l’heure d’ouvrir votre coffre…

Vous n’y trouverez que des livres.

 

Je ne vous crois pas…

Vous avez raison, je n’ai pas de coffre ! (grand sourire).