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Collèges: gangster’s paradise!

30 septembre 2014, 21:03

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Collèges: gangster’s paradise!

Des élèves qui tabassent un de leurs camarades, un petit bong que l’on découvre entre les mains d’un adolescent par-ci, quelques petites graines de cannabis retrouvées dans les poches d’un jeune par-là. Non, il ne s’agit pas de la bande-annonce d’un film mafieux. Mais bien d’incidents mettant en scène des collégiens, qui se retrouvent propulsés sur le devant de l’actualité. Question : les établissements secondaires se sont- ils transformés en terrain de jeux pour des parrains en herbe ? La parole aux principaux intéressés.

 

À commencer par Saïd, 19 ans. S’il a quitté l’école l’année dernière, qu’il effectue actuellement un stage et qu’il attend une réponse de l’université, les souvenirs des années collège d’élite sont toujours vivaces. «J’ai vu des choses qu’on ne peut pas qualifier de légal», prévient-il d’emblée. Avant de préciser que l’époque où les jeunes gens se battaient pour des filles est bel et bien révolue. «Letan margoz sa. L’alcool est has been, tout comme le cannabis, même si certains adhèrent toujours au plan fime. Ce qui est à la mode, ce sont les comprimés contre l’Alzheimer, dont j’ai oublié le nom. Ça bloque une partie du cerveau et ça vous fait planer.» Ces «pilules magiques», qui coûtent moins cher que les pouliahs de gandia, les collégiens se cotisent et les achètent «en pharmacie. C’est un peu comme si vous alliez dans une boutique pour acheter des cigarettes au détail ou une bouteille de rhum».

 

Est-ce qu’il y a goûté ? Faisait-il partie des caïds ? Où vont les jeunes quand ils doivent consommer les substances illicites ? Le peer pressure, lui, n’est pas encore passé de mode, dit Saïd. «Quand vous faites partie d’un groupe, vous êtes obligé d’en prendre, pour ne pas passer pour un plouc. Non, je ne faisais pas partie des boss, des meneurs.» Ces derniers, selon le jeune homme, sont passés maîtres dans l’art de la dissimulation et de berner le corps enseignant.

 

«Le mot d’ordre, c’est la discrétion. Sirops, comprimés, Gandia et autres produits qui procurent du nissa sont consommés dans l’enceinte de l’école.» Car, c’est «l’endroit le plus safe, puisqu’on ne risque pas d’y rencontrer des policiers». Et les dealers juniors se battent-ils pour leur territoire, pour leurs clients ? «Normo. Me dan mo group, ti pe zoure, bat koud pwin koud pye. Nou pa ti servi zarm.» Et d’ajouter : «Nous avions un ami qui n’était jamais saoul, quel que soit le truc qu’il prenait. On l’a surnommé Le Sage et c’est lui qui nous rappelait à l’ordre quand la situation menaçait de déraper.»

 

Autres interrogations : quel est le pourcentage d’élèves qui consomment ces drogues qui rendent «highway» ? Quand commencent-ils et jusqu’où vont-ils ? «Dans mon collège, je pense que plus de la moitié de mes camarades ont déjà ingurgité ou fumé un produit interdit. Les choses sérieuses démarrent à partir de la Form IV.» Une fois la crise d’adolescence passée, la plupart se calment. «Quand on s’apprête à passer en Upper, on sait que l’on doit met enn serye ar bann letid la. On s’assagit. Même si ce n’est pas le cas de tout le monde.»

 

Et les filles dans tout ça ? L’émancipation féminine n’a pas trop de souci à se faire quand il s’agit de consommation de gandia en tout cas, si l’on en croit Valérie, 18 ans. «Les fi lles et moi nous consommons uniquement de l’herbe. Les substances chimiques, ce n’est pas notre fort», souligne la jeune fille, qui s’est liée d’amitié avec «Marie Jeanne» (NdlR, marijuana) alors qu’elle avait 15 ans. «Nou gard kass leson nou aste pouliah pou Rs 200 ou Rs 250.»

 

Quid du fournisseur ? Où vont-elles fumer leurs pétards ? «On a une amie qui connaît quelqu’un qui en vend, alors on passe par elle. Et on ne fume pas à l’école ! Moi je le fais à la maison, quand mes parents sont absents. Sinon, toute la bande se rend chez une copine. On préfère encore que les parents nous surprennent que la police ou les profs.»

 

Et combien d’adeptes de cannabis compte-t-on au sein de l’établissement qu’elle fréquente ? «J’en connais une dizaine. Mais les filles sont moins bavardes que les garçons en ce qui concerne ces choses-là.»  Discrétion feminine oblige.

 

Et les recteurs et enseignants dans tout cela?

 

«Bien sûr que nous savons ce qui se trame dans certains collèges. Le phénomène ne date pas d’hier,confie Madoo Ramjee, président de l’Association des recteurs. Mais nous n’avons encore jamais pris un collégien la main dans le sac.» Cela, fait-il ressortir, malgré «les ruses employées pour les coincer». Et d’ajouter : «Nous avons des enquêteurs de la Criminal Investigation Division qui se rendent dans des établissements en civil. Ils se font passer pour des plombiers qui viennent réparer les toilettes… Nous récoltons des tonnes d’informations sur le terrain, mais aucun élève n’a encore été pris en flagrant délit.C’est pour vous dire à quel point ces enfants sont rusés. Ils opèrent en groupe, font partie de bandes bien organisées.»

 

Mais qu’en est-il de l’altération du  comportement ? Un collégien qui est sous l’influence de l’alcool ou de la drogue, cela se remarque facilement, non ? «Oui, bien sûr. Mais nous avons les mains liées à cause de la loi, qui stipule, par exemple, qu’un alcootest ne peut être pratiqué sur un élève sans l’accord des parents.»

 

Madoo Ramjee tient, par ailleurs, à préciser que les férus de substances interdites se trouvent «aussi bien dans des collèges d’élite, dans des quartiers huppés que dans de ‘petits’ établissements. Les gens ont tort de croire que ce phénomène, qui se répand comme une traînée de poudre, se cantonne à quelques endroits seulement».

 

Il tient, en outre, à faire ressortir que garçons et filles sont désormais sur un pied d’égalité en ce qui concerne la consommation de produits prohibés. Mais également pour autre chose. «J’ai, par exemple, un cas où des filles harcèlent un recteur qui me vient en tête. Je ne peux pas vous en dire plus.»

 

D’autant que tous ces problèmes, martèle-t-il, sont très délicats. Pour trouver une solution, «le seul moyen c’est que les parents, les élèves, les enseignants ainsi que les  autorités travaillent en équipe».