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Madhavi Ramdin-Clark, Head of ACCA Mauritius: «L’expert-comptable a aujourd’hui une plus grande implication au niveau de la stratégie et du conseil»

20 août 2014, 15:44

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Madhavi Ramdin-Clark, Head of ACCA Mauritius: «L’expert-comptable a aujourd’hui une plus grande implication au niveau de la stratégie et du conseil»
 
La cérémonie d’intronisation de nouveaux membres de l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA) a été l’occasion pour la grande famille de faire le point sur l’évolution de la profession et sur les défis auxquels elle est confrontée. Madhavi Ramdin-Clark nous en parle.
 
 
● Vous accueillez 198 nouveaux membres. Leur formation a-t-elle été élaborée en raison des demandes pressantes et futures des industries ou bien était-ce du business as usual ?
Les sociétés n’opèrent pas selon les mêmes paramètres que dans le passé. Les ouvertures, de même que les types d’activités, les services, les différents créneaux que nous explorons à Maurice, du moins, ne sont plus les mêmes. Le véritable changement s’opère lorsque les nouveaux membres sont confrontés à la réalité des sociétés. Pour être accepté comme membre de l’ACCA, il faut les examens, l’expérience et l’éthique. Nous avons célébré l’intégration de 198 nouveaux membres de l’ACCA cette année. Nous avons eu l’honneur d’accueillir pour cette cinquième édition de la New Member Ceremony de l’ACCA Mauritius Martin Turner, le président mondial de l’ACCA. C’est dire l’importance accordée à l’intronisation de ces nouveaux membres.
 
● Comment devient-on expert-comptable membre de l’ACCA ?
L’ACCA compte 2 600 membres à Maurice, soit 90 % du nombre total d’experts-comptables au pays. L’aspirant-membre doit suivre un cursus spécifique et passer avec succès un certain nombre d’examens. 35 en tout. Le candidat est ensuite soumis à un programme d’insertion professionnelle dans le domaine de la comptabilité. La durée est de trois ans. L’expérience doit obligatoirement être certifiée par son employeur et être avalisée par l’ACCA Mauritius. C’est sur la base d’une combinaison d’expérience, d’examens et d’un module dans le domaine de l’éthique que le candidat est accueilli en tant que membre à part entière de l’ACCA.
 
● Qu’est-ce qui a changé au niveau du cursus ?
Il n’a pas vraiment changé depuis ces dernières années, bien qu’il ait été régulièrement remis à jour. Son contenu est toujours en phase avec les demandes internationales. Pour devenir membre, il faut démontrer son expertise pendant trois ans, en plus de passer des examens. Donc, le changement concerne surtout les éléments de cette expertise en situation réelle, car le travail de l’expert-comptable évolue avec l’environnement économique et avec le développement de l’entreprise – ou des entreprises – pour laquelle il travaille.
 
● Quelle est la différence d’âge entre le plus jeune et le plus âgé de vos nouveaux membres ?
Le plus jeune a 19 ans. Il a complété ses études de même que le programme d’insertion. C’est tout à fait possible de terminer ses études en comptabilité le plus tôt possible dans son parcours professionnel. À 17 ans en fin de scolarité et en moins de trois ans, il est possible de compléter le cursus de l’ACCA. Le plus âgé a 74 ans. Le candidat est à la retraite. Sans doute assure-t-il un service de conseil mais il paie toujours sa cotisation à l’association. Il faut ajouter, aussi, que nous avons plus de femmes que d’hommes. La proportion se situe dans la fourchette de 60/40 en faveur de la gent féminine.
 
● La souscription d’un expert-comptable à une organisation de type ACCA est-elle une obligation ou une nécessité.
Pour détenir le titre d’expert-comptable, un professionnel de la comptabilité doit être membre d’une association professionnelle. Il ne peut par exemple apposer sa signature au bas d’un ouvrage de comptabilité, s’il n’est pas, préalablement, membre d’une association professionnelle. Une nécessité, c’en est une certes, car de nos jours, il est indispensable d’avoir une formation académique soutenue pour une insertion professionnelle reconnue. Bien des gens se disent que la vie après le cycle secondaire se poursuit à l’université.
 
On est arrivé à la conclusion qu’une combinaison composée de la période d’études académiques et d’un ancrage dans un lieu de travail spécifique est source d’ouverture vers de nouveaux horizons et d’opportunités de développement de carrière. Les annonces dans les journaux, la plupart du temps, n’exigent pas de faire preuve de qualifications en comptabilité. On vous demande carrément l’ACCA qui est une qualification purement professionnelle. Une qualification académique n’est pas nécessaire pour entamer des études menant à l’obtention d’un diplôme reconnu par l’ACCA.
 
● Y a-t-il une équipe au niveau de l’ACCA Mauritius chargée d’encadrer les nouveaux comptables qui désirent adhérer à l’Association ?
Cet exercice d’accompagnement s’effectue dans le cadre d’un programme de business development management, piloté par le manager Yamini Sibarty. Son rôle consiste à assurer le suivi auprès des bénéficiaires d’un programme d’insertion professionnelle. Elle leur accorde tout le soutien nécessaire. C’est elle qui doit certifier que ces derniers ont complété avec succès tous les objectifs du programme d’insertion. Son rapport est ensuite expédié au siège social de l’Association pour être avalisé avant l’adhésion d’un candidat.
 
● Qu’est-ce qui explique l’engouement de la gent féminine pour une profession perçue –  à tort ou à raison – comme un domaine dévolu plutôt aux hommes ?
C’est une des conséquences de l’évolution que le pays a connue, par exemple au niveau des opportunités d’emplois, de l’éducation, du rôle stratégique que les femmes peuvent jouer sur le plan économique. Elles ont par conséquent opté pour des carrières jusqu’ici réservées aux hommes. La présence féminine dans le secteur de la comptabilité n’est pas étrangère à une levée de ces barrières qui, jusqu’ici, n’ont pas permis aux femmes de faire la démonstration de leur compétence dans divers domaines de la vie économique. Il faut également tenir compte du changement de mentalité au sein de certaines communautés qui jusqu’ici voyaient d’un mauvais oeil la présence de femmes au travail. Il y a beaucoup de mères de famille dans la profession.
 
● Quels sont les facteurs qui depuis les cinq dernières années ont contraint les experts comptables à repenser la pratique de leur profession ?
Jusqu’à tout récemment, l’expert-comptable projetait l’image d’un individu portant de grosses lunettes et consacrant toute sa journée à l’examen des chiffres. L’expert-comptable est condamné à acquérir des compétences autres que le savoir-faire classique.
 
Aujourd’hui, il est beaucoup plus impliqué au niveau de la stratégie et du conseil au sein d’un conseil d’administration. Il analyse les données et les chiffres au-delà de leur portée purement technique. Pour évoluer au même rythme que la société, l’expert-comptable est amené à développer ou à acquérir de nouvelles compétences. Au niveau de l’ACCA, cette démarche se traduit par notre volonté à faire des experts-comptables des complete finance professionals avant tout. Il s’agit de leur conférer également des compétences dans des domaines autres que la comptabilité pure comme par exemple la maîtrise des fondements même du management, l’acquisition des techniques de présentation des données, la gestion d’une équipe de professionnels, le développement de leur talent de leadership et de leur capacité de s’adapter à des situations nouvelles.
 
● La faillite d’Enron, une des plus grandes entreprises américaines qui, dans son sillage a entraîné celle d’Arthur Andersen, société d’audit de ses comptes, a démontré qu’il y a des brebis galeuses. Comment prévenir les manipulations comptables et protéger le client contre des violations du code d’éthique ?
La sensibilisation contribue considérablement à l’adhésion des membres de l’Association aux implications du code d’éthique que les experts-comptables ont le devoir d’observer. Au niveau de l’Association, on ne se limite pas au module consacré à l’éthique qui est disponible en ligne. Le module n’est pas sanctionné par un examen. Cependant, il aborde des questions qui aident les membres à comprendre pourquoi il est important de connaître la ligne de démarcation qu’il ne faut pas franchir. À titre d’exemple, répondre régulièrement à des invitations de déjeuner ou de dîner avec un gros client pourrait paraître normal sur le plan de la convivialité mais pas sur le plan éthique. Car cela pourrait déboucher sur une familiarité, source potentielle de jeux d’influence.
 
● Dans un monde où la multiplicité de techniques de malversation n’épargne personne, une dose de juridico-politique (forensic accountancy) ne devrait-elle pas être introduite dans le but d’équiper les experts comptables des techniques de détection de délit comptables ?
C’est une question pertinente. Nous offrons une qualification assez spécifique. Tout ce qui touche à la juricomptabilité constitue une spécialisation. Nous avons au niveau de l’ACCA conçu des programmes de sensibilisation sur la définition même de la juricomptabilité, sur l’importance d’avoir une certaine connaissance dans cette filière. Nous encourageons ceux qui ont déjà tiré profit de ce programme de sensibilisation à suivre une formation dans cette filière auprès des organismes de formation compétents. On s’est rendu compte qu’il est temps de réfléchir à la possibilité d’offrir une formation plus formelle dans ce domaine.
 
 
À compter de cette année, mon bureau approchera certains partenaires internationaux pour mettre en place des programmes de formation, aussi basiques qu’ils puissent être au tout début, dans le but de promouvoir le concept de juricomptabilité – certains de nos membres se sont spécialisés dans cette filière – mais il y a certainement un manque au niveau de la profession en général. Nous n’écartons pas la possibilité de consulter l’université de Maurice pour que la juricomptabilité soit intégrée au cursus des finances et de la comptabilité.
 
● Les experts-comptables peuvent-ils dénoncer ces cas de fraude qui leur passent sous le nez ou devront-ils laisser cette tâche aux auditeurs ?
Les experts-comptables doivent impérativement dénoncer les cas de fraude. C’est leur rôle de protéger l’intérêt de la société pour laquelle ils travaillent mais également celui de la société en général. Lorsqu’on ferme les yeux sur des délits financiers, des mauvaises pratiques dans les finances d’une entreprise, on lance un très mauvais signal à la société en général. C’est une valeur que nous inculquons à nos membres que celle d’alerter les autorités compétentes si au cours de leur mission ils devaient déceler l’existence de pratiques illégales. Il est également du devoir de l’auditeur de dénoncer des pratiques illégales au conseil d’administration qui a loué ses services.
 
● Comment la profession se prépare-t-elle ou s’est-elle préparée à prendre une part active dans le rôle qu’est appelé à jouer le continent africain dans les années à venir ?
La demande pour les experts-comptables sur le continent africain va bien au-delà des compétences disponibles. Ce qui constitue d’immenses opportunités pour les experts comptables que nous sommes.
 
L’acquisition de compétences dans des filières autres que la comptabilité pure place nos experts-comptables dans des positions idéales pour apporter une contribution considérable au développement que le continent est appelé à connaître. D’ailleurs, ces experts-comptables mauriciens sont sollicités pour travailler sur le continent africain et au-delà, dans les centres financiers en Europe, par exemple.
 
● Comment trouver une solution de juste milieu qui permet d’une part à des petites et moyennes entreprises (PME) de bénéficier d’un service de qualité et d’autre part d’assurer une rémunération compatible avec les exigences du métier ?
Nous avons pris différentes initiatives pour répondre aux besoins des PME. Elles se font souvent avoir par des charlatans de comptables. Bien souvent, c’est après les avoir payés que les petits et moyens entrepreneurs découvrent les carences dans l’exercice comptable. Nous sommes en pourparlers avec la Mauritius Revenue Authority pour qu’elle n’accepte que des comptes signés par des experts-comptables certifiés.
 
Nous avons démarré un programme de sensibilisation des petits et moyens entrepreneurs par rapport à l’abécédaire de la comptabilité, et ce, gratuitement, en collaboration avec la Small & Medium Enterprises Development Authority et l’Association mauricienne des femmes chefs d’entreprise. Nous encourageons nos membres à mettre sur pied leur propre entreprise. Ce qui leur permettra d’assurer le service de comptabilité des PME pour des cachets abordables. Nous avons une cellule qui encourage l’entrepreneuriat.
 
● Quels sont les défis qui risquent de bouleverser la profession ou plutôt la façon dont les experts-comptables vont exercer leur profession ?
La convergence et une bonne entente entre le département de la comptabilité et celui de la technologie de l’information et de la communication seront des facteurs incontournables auxquels les experts-comptables vont devoir se plier. Fini le temps où les professionnels de ces deux départements ne communiquaient pas. Ils sont complémentaires.