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Bambous: Michel Hotentote, tailleur de pierre aux mains d’artiste

18 août 2014, 16:48

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Bambous: Michel Hotentote, tailleur de pierre aux mains d’artiste
Si avant 2001, on lui avait dit qu’il serait sculpteur et que son oeuvre serait reconnue au-delà de Maurice, Michel Hotentote vous aurait ri au nez. Mais depuis, les années ont passé. L’artiste qui sommeillait en ce sportif s’est graduellement affirmé. Il se consacre de plus en plus au travail de la pierre et est déterminé à en faire son principal gagne-pain.
 
La sculpture érigée, au Morne, représentant un esclave luttant pour sortir de sa servitude, est signée Michel Hotentote. L’artiste l’a créée en 2009 et c’est l’ouvrage dont il est le plus fier. «C’est mon style, à l’époque très africain, qui m’a valu d’être choisi pour cet ouvrage», confie le sculpteur.
 
Pourtant Michel Hotentote ne s’était jamais vu percer comme artiste. Il se voyait bien plus comme karateka et cycliste et espérait briller dans ces deux disciplines sportives. «Dans la vie, on ne sait jamais», lance-t-il, plein de philosophie pour expliquer qu’il ne se doutait pas du talent qui se cachait en lui.
 
En 2001, ce fut le déclic. Lewis Dick, sculpteur habitant ce même village, qui s’apprêtait à participer à une exposition, est venu voir son père pour qu’il lui taille une boule dans la pierre. «Mon père était maçon et construisait pour la plupart du temps des canaux, dont les lits sont recouverts de pierre, pour le compte de la propriété sucrière de la région», dit notre interlocuteur.
 
Mais au moment où Lewis Dick l’a contacté, le père de Michel avait déjà pris sa retraite et ne pouvait honorer cette commande. Le fils a alors décidé de relever le défi. «J’ai dit à Lewis Dick que j’allais essayer car je connaissais un peu les rudiments du métier. J’ai exécuté la commande et j’ai ainsi, à travers cette boule de pierre, participé, indirectement il est vrai, à une exposition en Suisse. Cette manifestation deviendra par la suite un rendez-vous régulier où j’ai été  primé en 2003 et 2005», raconte-t-il.
 
Ses travaux lui ont permis de côtoyer de nombreux artistes, notamment au niveau international. Cette année, il a travaillé en collaboration avec le sculpteur sénégalais Ndary Lo pour une autre sculpture sur la Route des Esclaves au Morne. «Ces échanges sont très enrichissants. Ils permettent de partager, de comprendre la perspective de l’autre et d’apprendre», dit Michel Hotentote.
 
S’il y a bien une chose qu’il ne cesse de faire, c’est d’apprendre et de se perfectionner. «J’ai découvert et travaillé sur plusieurs types de pierres et chacune a sa particularité qu’il faut saisir pour la travailler», soutient le sculpteur. Calcaire, granite, mais surtout la roche bleue qu’on trouve plus facilement ici, sont les matières qu’il traite.
 
Chez Michel Hotentote, des sculptures trônent fièrement dans la cour, notamment «la tête de mes ancêtres», buste d’un homme imposant. Néanmoins le plus gros de son travail est la fabrication de ros cari et de mortier. «C’est ce qui se vend le plus et qui me permet d’avoir de  quoi me payer les matériaux pour mes sculptures », dit-il.
 
Un bloc de pierre, ajoute-t-il, peut coûter entre Rs 3 000 et Rs 4 000 et il n’est pas dit qu’une sculpture finie trouvera aisément preneur. C’est pourquoi il se voit obligé de tailler des objets utiles qui se vendent plus facilement. Notre homme se contente ainsi de vivre de la pierre même s’il lui est plus difficile de vivre de son art.
 
«L’art n’est pas encore reconnu à Maurice et peu de gens en vivent. Je ne baisse pas les bras, je continue à travailler mes idées et la pierre», dit Michel Hotentote. Il sait que sa voie est celle de la pierre dans laquelle il insuffle l’énergie qu’il brûlait jadis en pratiquant du sport.