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Dass Thomas: «Il n’y a aucun lien entre l’achat d’avions et l’imminence des élections générales»

12 juillet 2014, 14:56

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Dass Thomas: «Il n’y a aucun lien entre l’achat d’avions et l’imminence des élections générales»

 

En lisant la presse et les déclarations de part et d’autre, on a l’impression que l’acquisition de six nouveaux Airbus A 350-900 a été mal planifiée. Est-ce le cas ?

Pas du tout. C’est une décision bien planifiée. L’équipe de direction a travaillé sur ce dossier pendant plus de deux ans et depuis les dix derniers mois, nous avons travaillé d’une manière assidue pour étudier, notamment auprès de deux fournisseurs d’avions, Boeing et Airbus, les différents créneaux dont ils disposent, relativement au nombre d’années qu’ils mettront à fabriquer de nouveaux Airbus. Nous avons aussi analysé les propositions de financement des compagnies de leasing.

 

Pour Air Mauritius, il était important de terminer l’étude le plus tôt possible afin de ne pas rater ce créneau de 2017 pour le leasing de deux Airbus et pour l’achat direct de quatre autres appareils en 2019.

 

Au cas contraire… ?

Si nous avions raté les créneaux de2017 et 2019, nous nous serions retrouvés avec des avions vieux de plus de 20 ans à 28 ans. Or, je ne suis pas en faveur de ce genre de décision.

Ensuite, il faut bien prendre en ligne de compte que Maurice est une destination très prisée. Les compagnies comme British Airways, Thompson Airways et Emirates se servent d’avions modernes pour le transport de passagers. De ce fait, elles sont en compétition directe avec MK car le nombre de sièges – et le confort – qu’elles offrent aux passagers sont des avantages comparatifs sur nos opérations, même si nos avions assurent des vols long -courriers. Je considère que c’est un aspect à prendre sérieusement en considération. Pour notre part, nous n’avons fait que prendre des décisions audacieuses pour nous imposer dans ce business.

 

Selon vous – et contrairement à ce que pensent certaines personnes – y avait-il urgence à Air Mauritius de procéder à ce renouvellement de flotte même si la compagnie vient tout juste de sortir la tête hors de l’eau après une longue période d’endettement et des pertes financières ?

 

Je voudrais savoir ce que ces personnes auraient fait si elles étaient à ma place. Laissez-moi ensuite vous dire haut et fort que juste avant mon arrivée en 2012, l’équipe de management est allée voir le Premier ministre (PM) pour l’informer de la décision de la compagnie aérienne d’acquérir de nouveaux avions. Il était partie prenante et avait demandé qu’on nomme une société de conseil qui a de l’expertise dans l’aviation pour faire une étude approfondie sur la compagnie. D’où le choix de nommer la firme Seabury pour revoir le business model de MK. Soit de redresser la situation financière, d’améliorer la qualité de ses services, de contrôler ses coûts, de rehausser le produit Air Mauritius et éventuellement de renouveler la flotte d’avions de la compagnie.

 

Par la suite, lorsque le rapport est sorti, le PM a demandé que ses recommandations soient appliquées dans leur globalité. Donc, comme on peut le constater, le rapport date de plus de deux ans. D’ailleurs, quand je suis arrivé en août 2012, il était déjà prêt. Qu’on ne vienne pas nous dire maintenant qu’il y a eu précipitation de notre part…

 

Est-ce que vous confirmez que cette décision n’est pas liée au calendrier électoral des partis au pouvoir. La dernière acquisition – en 2004 – avait eu lieu quelques mois avant les élections de 2005…

Nous n’avons rien à cacher. Je ne vois pas le lien entre la décision d’acquérir de nouveaux avions et les élections générales.

 

Sauf que dans ce genre de transaction, il y a toujours de grosses commissions en jeu ?

C’est facile de jeter la boue sur les gens. J’aimerais bien qu’on vienne prouver ce genre d’allégation. Pour ma part, j’affirme haut et fort qu’il n’y a pas de mauvaise transaction et il n’y en aura pas.

 

Peut-on savoir si Air Mauritius a eu recours à un agent pour finaliser ce deal ?

Pas du tout. Le deal a été fait directement entre Air Mauritius, d’une part, et Airbus et les compagnies de leasing, d’autre part.

 

Le financement de cette nouvelle acquisition entraînera-t-il de nouvelles injections de capitaux propres ?

 

Il n’y aura pas d’injection de nouveaux capitaux de la part des actionnaires de la compagnie. Le remboursement se fera par le biais du leasing et aussi par les prêts qui seront assurés par des revenus générés par la compagnie selon un Business Plan de 12 ans préparé minutieusement par notre équipe et contre-vérifié par des experts de l’aviation. De ce fait, je suis disposé à prouver que toutes les études et les analyses faites par le management à l’époque étaient correctes et financièrement soutenables.

 

Qu’en est-il du montage financier de cette transaction ?

Le montage financier n’a pas encore été fait. On aura recours, comme j’ai eu l’occasion de le souligner, à une Export Credit Agency (ECA) qui assurera le montage à travers un consortium de banques internationales. Quant au montant du deal, c’est là une information jugée sensible. Aucune compagnie aérienne n’est disposée à communiquer ce genre d’information. D’ailleurs, nous avons signé un Non-Disclosure Agreement entre notre fournisseur et la compagnie leasing, que nous devons respecter.

Mais je peux vous assurer d’une chose. Ayant suivi de près tout cet exercice au niveau des différentes présentations par Air Mauritius et Seabury, je suis satisfait que le travail a été fait d’une manière irréprochable et honnête.

 

Vous parlez de «non-disclosure agreement». Mais Air Mauritius est listée en Bourse. Ne pensez-vous pas que les actionnaires ont le droit de s’informer sur cette transaction financière dans un souci de transparence ?

Justement, il y a un actionnaire qui a demandé à titre privé les détails de ce deal lors de notre assemblée générale la semaine dernière. Nous lui avons fait comprendre que s’il peut se permettre d’obtenir ces détails en privé, pourquoi les autres actionnaires, au même titre que lui, ne pourraient pas avoir droit à ce même privilège ? Aussi, s’il y a demain une fuite d’informations, qui en assumera la responsabilité ?

 

N’empêche que les représentants des actionnaires minoritaires siégeant au Board ont eu accès à ces informations…

Tout à fait. Les membres du Board, dont certains sont des représentants des actionnaires minoritaires comme Rogers,Air France et Air India, entre autres, ont été briefés sur ce deal. Ils ont eu le droit, d’ailleurs, de poser toutes les questions lors des différentes réunions du conseil d’administration d’Air Mauritius. Du reste, il y avait même une réunion du conseil consacré spécifiquement à ce sujet.

 

Quel sera à terme l’impact de cette nouvelle flotte sur les opérations d’Air Mauritius ?

J’ai eu l’occasion de m’expliquer sur les nombreux avantages liés à cette nouvelle flotte d’avions, tant techniques qu’opérationnels. Ces appareils affichent en fait un haut niveau de confort et une faible consommation de carburant. Ce qui permettra à nos passagers de bénéficierd’un bon niveau de services sur l’ensemble de notre gamme de produits. De plus, outre la formation technique qui est assurée par Airbus, le temps de l’adaptation pour notre équipage technique sera facile et prendra moins de temps.

Vu que ces appareils seront déployés sur les vols long-courriers, sur les destinations européennes et chinoises, l’impact sera certainement ressenti au niveau de la rentabilité financière de la compagnie.

Tout en assurant la pérennité de nos opérations à l’avenir. Car il ne faut pas oublier que plus de 50 % de nos revenus et des sièges proviennent du marché européen.

Alors la question que je me pose est la suivante : est-ce qu’on peut se permettre de perdre ce marché ? La réponse est évidemment non. D’ailleurs, depuis que je suis à la présidence d’Air Mauritius, je me suis fixé pour objectif de faire de MK un partenaire incontournable de l’économie mauricienne.

 

L’acquisition de cette nouvelle flotte répond, selon vous, à la nouvelle stratégie de la compagnie engagée depuis quelque temps, portant sur la réorganisation des dessertes ?

C’est dans la lignée de ce que nous entamons actuellement. Il est évident que la nouvelle flotte d’avions va nous permettre de proposer à nos passagers des services à des coûts compétitifs. Dans cette optique, on entamera bientôt, soit au mois d’octobre, une nouvelle étude sur notre stratégie régionale pour pénétrer davantage l’Afrique et les pays de la région.

 

Avec cette nouvelle acquisition, Air Mauritius sera mieux armée pour faire face à la concurrence régionale, dont celle des Seychelles, qui se montrent très agressives dans cette partie du monde ?

Pas à 100 % ! Mais disons que nous abordons cette étape avec plus de confiance en nous appuyant sur nos moyen et long-courriers. Nous serons ainsi plus aptes à faire face à cette concurrence régionale qui sera appelée à devenir plus rude.

Bien évidemment, nous avons un calendrier que nous devons respecter d’autant plus que nous venons tout juste de sortir de la zone rouge. Il faudra y aller «cautiously and prudently». Aussi, il est bon de rappeler que les avions qui desservent les pays de la région ne sont pas aussi vieux que les A-340 qui sont déployés sur les destinations européennes.

 

Revenons au projet de partenariat stratégique. Est-ce que la question intéresse toujours Air Mauritius ?

Disons que la question a été prise en 2012 quand la compagnie avait émis un Memorandum of Information dans lequel il était précisé qu’Air Mauritius cherchait un partenaire dans divers domaines de coopération, nommément technique et commercial. Mais dans ce même document, il était précisé, noir sur blanc, que l’actionnariat majoritaire restera entre les mains du gouvernement.

Par la suite, des contacts avaient été établis avec British Airways, Air France,Etihad, Cathay Pacific, Singapore Airlines et Emirates. Je note que deux de ces six compagnies aériennes ont répondu favorablement à notre demande et ont montré un intérêt pour entrer en, voire consolider leur partenariat avec Air Mauritius. Il s’agit d’Air France et Emirates. Dans les deux cas, il n’y a pas eu de vente ou d’achat d’actions.

En ce qui concerne Emirates, ce n’était qu’un partenariat commercial élargi, ce qui a permis à MK d’avoir accès à son réseau tout entier. Alors qu’au niveau d’Air France, le partenariat s’est porté sur le commercial, la formation technique ainsi que sur l’assistance au sol (handling).

Ce qui m’amène à souligner qu’en tant que Chairman du conseil d’administration, je ne suis pas partant pour qu’un partenaire prenne le contrôle total d’Air Mauritius.

 

Les hôteliers critiquent toujours Air Mauritius par rapport à l’absence d’une véritable politique d’accès aérien. On accuse la compagnie d’être responsable de la baisse des arrivées  touristiques vu  qu’elle n’offre pas suffisamment de sièges aux hôteliers…

Comment expliquez-vous que MK a en moyenne 80 % de capacité de sièges et qu’il existe toujours 20 % de sièges disponibles chaque année ?

Si la compagnie a voulu mettre les bâtons dans les roues des hôteliers, comment peut-on expliquer le nombre grandissant de sièges mis à la disposition des hôteliers l’année dernière par Corsair, Thompson Airways,China Southern et Emirates ?

Emirates avait commencé par trois vols par semaine, qui sont passés à un vol par semaine. Par la suite, la compagnie a négocié et obtenu deux vols par jour, un par B-777 et l’autre par l’A 380, pour finir maintenant à deux vols par jour à travers l’A-380 uniquement. Ce qui permet à cette compagnie de transporter un millier de passagers par jour.

Je persiste à croire que c’est un faux débat. Des personnes qui ne s’y connaissent pas dans ce domaine s’aventurent aujourd’hui à faire des déclarations qui sont loin de la réalité.

Par ailleurs, j’aimerais également faire ressortir que la libéralisation de l’accès aérien n’est pas la prérogative d’Air Mauritius mais celle de l’État.

Enfin, il faut peut-être m’éclairer et me dire pourquoi Virgin, Singapore Airlines,Lauda Airlines, Alitalia ou encore Air India ont cessé de desservir Maurice ? Ces compagnies avaient tout le droit de desservir le territoire mauricien.

 

Et la question de hedging ? Est-elle toujours une source d’inquiétude chez chez Air Mauritius ?

La question ne se pose pas depuis l’année dernière. La compagnie a mis fin à ses dettes liées au hedging. Ce qui permet aujourd’hui de présenter un bilan financier nettement positif.

 

La démission de Sashi Puddoo d’Air Mauritius est diversement commentée ces derniers temps. Certaines personnes estiment qu’il existe d’autres raisons motivant sa démission. Vos commentaires ?

 

Je n’ai pas d’autres commentaires à faire si ce n’est de rappeler que Sashi Puddoo a donné sa démission en évoquant sa décision de poursuivre sa carrière ailleurs. Sa démission a été acceptée.

 

Vous maintenez qu’il n’y a pas d’autres raisons outre celle que vous venez de souligner officiellement ?

Je maintiens…

 

Il n’a pas été contraint de démissionner ?

Sashi Puddoo avait un contrat avec Air Mauritius. Il a voulu partir avant l’échéance de son contrat. Il n’a été soumis à aucun comité disciplinaire. C’est tout.