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Imzad Beeharry, président de l’«United Bus Industry Workers» : «Les travailleurs du transport mieux payés que les policiers autrefois»

19 juillet 2014, 11:50

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Imzad Beeharry, président de l’«United Bus Industry Workers» : «Les travailleurs du transport mieux payés que les policiers autrefois»
La menace d’une grève générale des employés du transport plane encore plus avec le vote massif des employés de  «Triolet Bus Service» jeudi. Ils veulent faire pression sur le gouvernement afin de revoir leur salaire à la hausse. Le syndicaliste Imzad Beeharry explique comment la situation a dégénéré.
 
 
Le ministre du Travail Shakeel Mohamed a décrit une grève générale comme un «acte irresponsable». N’est-ce pas justifié de penser que ça l’est en effet ?
Shakeel Mohamed a effectivement utilisé ces propos en montrant le syndicat du doigt. Mais, en réalité, l’Union of Bus IndustryWorkers (UBIW) ne fonctionne pas n’importe comment. Nous fonctionnons démocratiquement, ne prenant que des actions qui reflètent la voix des travailleurs. Vous remarquerez que le syndicat a organisé de grandes assemblées et des rencontres. Par exemple, lors de la rencontre qui s’est tenue à l’Unity House le 29 mai, les travailleurs de l’industrie du bus ont décidé qu’il fallait faire une manifestation devant le bureau de Shakeel Mohamed concernant les recommandations du rapport du National Remuneration Board (NRB). C’est à la suite de cela qu’on a pris la décision d’organiser les votes. Le vote massif qui a eu lieu jeudi à  Triolet Bus Service donne une réponse claire au ministre Shakeel Mohamed.
 
Ne pensez-vous pas qu’au lieu d’encourager les employés à aller vers une grève générale, il faudrait tenter de les en dissuader ?
Laissez-moi vous expliquer les frustrations qui existent parmi les employés. Le ministre a promis aux travailleurs du transport qu’il y aurait une hausse des salaires à la suite des recommandations du NRB d’ici décembre 2013, mais jusqu’ici, rien. Nous avons dû avoir recours à d’autres actions. Nous en sommes déjà au septième mois depuis cette promesse et nous n’avons toujours pas vu les recommandations mises en pratique. Au contraire, les travailleurs du secteur s’aperçoivent que le ministre a renvoyé le rapport au NRB afin de diminuer ces recommandations. Nous estimons avoir été corrects en lui envoyant une lettre le 2 avril 2014. Celle-ci est restée sans réponse. Les travailleurs sont frustrés et en colère et dans la lettre, nous avions sollicité une rencontre afin qu’il nous explique la situation avec le NRB. Mais le ministre Shakeel Mohamed ne croit pas au dialogue, semble-t-il, et il nous l’a fait comprendre en nous laissant sans réponse. Nous croyons au dialogue mais trop de temps s’est écoulé. La tension monte parmi les employés et lorsqu’on constate cette frustration, cela nous pousse du côté du syndicat à organiser des rencontres pour comprendre la situation.
 
Donc, de votre côté, il n’y a pas lieu de prévenir une grève générale…
Quand les travailleurs ont voté, nous leur avons demandé s’ils sont pour l’obtention d’une hausse salariale comme prévu par le NRB et nous leur avons dit que si le gouvernement ne réagit pas, nous allons prendre les actions nécessaires. Cela peut être une manifestation ou encore une grève. Mais c’est au travailleur d’en décider. En fait, nous ne voulons pas en arriver là, mais le ministre ne nous a donné aucune information que nous aurions pu communiquer aux travailleurs. C’est en se taisant qu’il nous a poussés vers la présente situation.
 
Une grève générale des autobus paralyserait le pays entier. Les travailleurs mesurent-ils l’impact qu’elle aurait sur le pays ?
Ils en sont conscients et ne souhaitent pas en arriver là. Mais si le ministère insiste pour diminuer la hausse salariale, il ne laissera pas le choix aux travailleurs. Nous sommes responsables et ne voulons pas laisser une telle chose arriver. Nous aurions préféré le dialogue ; nous croyons que c’est la meilleure façon de faire avancer les choses. Si la situation dégénère, ce sera la responsabilité du ministre car c’est lui qui nous a fait attendre sans nous expliquer la situation.
 
Mais où est-ce que le gouvernement va trouver l’argent pour la hausse réclamée ?
En fait, après le rapport du NRB, le ministre a expliqué que cette hausse de salaire coûtera Rs 450 millions et il a renvoyé le rapport au NRB. Nous avons compris qu’il cherchait à réduire ce coût. Cependant, nous pouvons affirmer qu’il y a environ Rs 750 millions dans le Bus Recovery Fund (BRF), et nous savons que chaque passager verse une roupie pour le diesel. Il faut penser à puiser dans le BRF pour les augmentations. Nous ne sommes pas d’accord sur le fait de renvoyer ce fardeau sur les consommateurs avec encore une hausse de tarif du bus. Ça a déjà été fait dans le passé mais il existe d’autres sources desquelles on peut puiser pour financer la demande des travailleurs.
 
Pourquoi avoir attendu sept mois avant d’agir ?
Les recommandations du NRB ne sont pas parues en décembre, contrairement à ce qu’on nous avait fait croire. À partir de là, nous avions déjà décidé de faire des réunions avec les travailleurs pour discuter des raisons pour lesquelles le rapport n’était pas encore sorti. Nous commencions à organiser cela lorsque le rapport a été publié en février. Comme le secteur du transport est énorme, nous nous sommes dit que ce n’est pas grave si ça n’a pas paru en décembre; c’est arrivé en février et on a pensé que les recommandations concernant notre secteur allaient arriver.
 
Comme le prévoit la loi, lorsqu’une recommandation paraît, nous avons deux semaines pour faire des contre-propositions. Nous les avons déposées le 10 mars. Le NRB dispose de 14 jours également pour envoyer ces contre-propositions au ministère du Travail. Cela s’est passé en mars. Nous savions que le ministre a eu le rapport final en main, et c’est alors que nous lui avons envoyé une lettre, le 2 avril, pour solliciter une explication, en vain. Nous avons donc décidé de manifester devant le bureau du ministre pour faire entendre la voix des travailleurs le 29 avril. Mais nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous sommes passés à l’étape suivante : un vote parmi les travailleurs.
 
Il faudra attendre que le rapport passe au Conseil des ministres de toute façon. Tenterez-vous d’entamer le dialogue à nouveau avec Shakeel Mohamed entre-temps ?
Nous avons tout essayé mais c’est maintenant au ministre de voir s’il tient à entamer le dialogue avec nous. Nous l’attendons, mais nous ne retournerons pas vers le ministre à nouveau. J’ai lu un article de presse récemment où un autre syndicaliste a expliqué qu’il a envoyé plusieurs lettres au ministre en vain.
 
Il y a déjà eu une hausse de 19 %. N’est-ce pas de la gourmandise d’en réclamer plus ?
Quand vous analysez l’industrie du transport, vous constaterez qu’elle n’a pas fait de progrès en termes de salaire, comparé aux autres industries, alors que les travailleurs du transport étaient mieux payés que les policiers autrefois. Avec le temps, nous avons vu que les autres secteurs ont tous eu des hausses salariales, sauf l’industrie du transport.
 
En fait, nous avions réclamé une hausse salariale de 45 % et nous n’avons obtenu que 19 %, alors que nous avons déjà un gros retard comparé aux autres secteurs. Les patrons et le ministre ont dit qu’ils référeront cela au NRB, qui a enquêté avec les employeurs, les économistes, ainsi que dans les dépôts. Ils ont trouvé qu’il est juste de payer aux travailleurs du transport une hausse salariale. La recommandation du NRB préconise 7 % à 34 % d’augmentation selon la catégorie du travailleur.
 
Il existe d’autres problèmes, notamment la sécurité dans les autobus et les véhicules délabrés qui roulent encore mettant en danger la vie des passagers et des travailleurs…
J’ai déjà rencontré les ministres et même Ben Buntipilly à ce sujet. J’ai un ami qui a été harcelé pour avoir refusé de conduire un bus qu’il considérait ne pas être apte à rouler sur nos routes. Nous sommes allés à la National Transport Authority (NTA) pour rencontrer Cyril Appajala, le Transport Controller. Il a examiné les bus qui ne sont pas «road worthy», mais même là, ces bus roulent toujours. Nous avons mené une bataille mais nous voyons qu’il y a un problème… C’est aussi la responsabilité de la NTA. Éventuellement, lorsqu’on aura résolu le problème de hausse salariale, nous prendrons d’autres actions concernant la sécurité.